Durée : 5 jours
Distance : 37 km
Dénivelé : 2 150 m
Massif : Aar-Gothard– Suisse
Point de départ : Blatten
Coordonnées du point de départ : 46.4204°N, 7.8222°E
Notre dernière petite escapade entre Chamonix et Zermatt nous a donné un bel aperçu des Alpes suisses, un terrain de jeux proche de la maison que nous n’avons encore que très peu exploré. Alors, pour ce nouvel an 2021 placé sous le thème du covid et des restrictions sanitaires, on met en place un projet de réveillon en isolation totale. L’idée est d’aller faire un Igloo sur le Konkardiaplatz, au cœur du plus grand glacier des Alpes : le glacier d’Altesch.
Cet Igloo sera notre camp de base pour de belles sorties à la journée, le MittagHorn, Abni Flue, le Gletschhorn, et pourquoi pas le Jungfrau ou le Mönch, si les conditions le permettent. On ne se doutait pas encore de ce qui nous attendait…
Video
Itinéraire complet
Jour 1
Distance : 12 km
Dénivelé + 1 170 m
Dénivelé – 120 m
La météo n’est pas au beau fixe, mais à trop regarder la météo, on finit au bistro. Et vu que les bistros sont fermés, on décide de partir malgré tout. Les prévisions de températures sont fraiches, entre -15 et -30° à 3 000 m. Pour autant, la tempête n’est pas annoncée, vents faibles et une couverture nuageuse relativement éparse qu’ils disaient. Alors on se lance, avec deux duvets chacun et des doudounes épaisses, ça pourrait le faire.
Le départ se fait du village de Blatten. Une piste de ski de fond permet d’avancer facilement jusqu’à Fafleralp, et ce n’est pas du refus vu le poids des sacs. En plus des plumes, on se trimbale 5 jours de nourriture, du gaz pour faire fondre la neige pour une semaine, le matos de glacier, des chaussures chaudes pour trainer autour du camp, une tente au cas où on n’arrive pas à faire d’Igloo, et tout notre petit bordel habituel. C’est lourd. On commence à faire la trace dans une belle couche de fraiche au fond de la vallée.
Plus on s’avance vers le col, plus le ciel se bouche. Les premiers flocons ne tardent pas à arriver, puis la visibilité baisse à quelques mètres. On ne voit pas beaucoup plus loin que le bout de nos spatules, mais on continue. On s’encorde en arrivant sur le glacier de Langgletscher, le début de la saison hivernale est propice aux ponts de neige fragiles. On n’aura clairement pas le temps de passer le col, redescendre sur le glacier de l’autre côté et faire l’igloo, alors on vise plutôt le refuge Hollandiahutte, au niveau du col.
L’heure tourne, et le col ne semble pas se rapprocher. Plutôt que de tenter le diable, on pose la tente sur un petit promontoire au milieu de la vallée, à l’abri des avalanches des hautes faces au Sud, et des chutes de séracs au Nord. D’ailleurs, un pan entier du glacier Anungletscher se détache pendant la soirée, à seulement quelques dizaines de mètres de notre camp, dans un fracas assourdissant. Heureusement qu’on a choisi ce petit nid d’aigle où l’on assiste au spectacle en toute sécurité.
Jour 2
Distance : 7.3 km
Dénivelé + 650 m
Dénivelé – 285 m
On lève le camp en début de matinée. Il fait grand beau, mais les hauts sommets au sud bloquent le soleil et nous garderont au frais toute la journée. Une fois au col, la vue s’ouvre sur le glacier d’Aletsch. On n’en voit qu’une petite partie, immense malgré tout. On est encore à l’ombre, avec le vent en plus. La faible pente et l’épaisseur de neige fraiche ne nous permettent pas de skier doucement vers le point de bivouac envisagé. On garde les peaux et on continue de pousser, un ski après l’autre.
Une heure plus tard, on est encore assez loin de l’objectif. Du coup, au lieu de descendre jusqu’au KonkordiaPlatz, on décide de poser le camp un peu au-dessus, sur une zone qui ne nous parrait pas crevassée. Aussitôt les sacs posés, on se met en ordre de bataille pour la construction de l’Igloo. Au cas où l’on se trouve malgré tout au-dessus d’une crevasse, par excès de prudence on restera encordés, sécurisés par un système de « corps mort » avec un ski dans la neige. Rapidement, on se trouve face au problème qui nous pendait au nez : comment faire un igloo dans la neige fraiche… ?
Impossible de faire des blocs dans cette poudreuse, alors on décaisse un bon 50 cm pour arriver sur une couche un peu plus compacte dans laquelle on arrive à tailler nos premiers blocs. La couche de neige dure fait à peine 30 cm. Dessous, c’est de nouveau une neige sans cohésion. L’obscurité commence à gagner alors qu’on commence de plus en plus à douter de la possibilité de finir cet Igloo… Alors on pose la tente dans le trou, et on verra la suite après la sortie de demain.
Jours 3 & 4
Distance : 0 cm
Dénivelé + 0 cm
Dénivelé – 0 cm
Premier réveil avant l’aube. En ce moment les nuits sont courtes, alors il faut partir à la frontale. Pas la peine de sortir de la tente pour capter le topo. La tente est encore secouée par les bourrasques et les absides sont pleines de neige fraiche. C’est la tempête. Alors on éteint le réveil pour retourner au fond des duvets. On décide de passer le nez dehors une fois le jour levé. On n’y voit pas à 10 mètres. Impossible de tenter un de nos itinéraires sur ce glacier assez ouvert dans ces conditions.
On a la journée devant nous, alors on fait une deuxième tentative d’igloo. On est bien mieux partis, avec une base plus petite qu’on élargi par en dessous. La technique semble être la bonne, mais on sera trop gourmands. A vouloir trop évaser la base, l’ensemble finit par s’écrouler avant d’arriver à poser le toit. On essaye bien de reprendre la construction, mais le trou est maintenant trop large pour espérer fermer le dessus. Deuxième échec. Heureusement qu’on a pris la tente…
Il reste encore 4 ou 5 heures avant la tombée de la nuit, alors on lance un nouveau chantier. On serait la risée de tous les Inuits de la planète, mais ils ne sont pas dans les parages. C’est dommage, on demanderait bien quelques conseils. Finalement, la troisième tentative sera la bonne. Une fois la croute de neige dure épuisée, on utilisera les blocs du chantier précédent. Deux heures plus tard, on pose le dernier bloc de neige sur le toit.
Avant d’aller s’allonger dedans, on lance quelques pelles de neige dessus histoire de combler les trous et de tester sa solidité, ce serait dommage de se faire ensevelir pendant notre sommeil… Il semble tenir bon, alors on emménage. A l’intérieur, une belle lumière bleutée illumine notre palace. On a beaucoup plus de place que dans la tente, l’endroit sera parfait pour passer la soirée. D’ailleurs, ce soir, c’est la fête. On est le 31 Décembre.
Pour commencer, on allume les bougies. On sort ensuite le pain et le saumon pour faire les toasts. On a oublié le grille-pain, dommage. Sur l’emballage du paquet de saumon, il est écrit « garanti jamais congelé ». Mouais. Il fait meilleur dans notre congélateur qu’ici… Passons. Vu les températures, le champagne aurait gelé, on a eu la présence d’esprit de plutôt prendre un liquide antigel, une petite gnôle de fraise maison. Efficace.
Qui dit 31 décembre, dit feux d’artifices. Evidemment. Dehors, les températures sont déjà en dessous de -20° et le blizzard soulève la neige fraichement tombée au ras du sol, conditions pas vraiment idéales pour allumer une mèche. alors on sort le bruleur de la popote qui nous sauve la mise, et on s’offre un petit feu d’artifice, au beau milieu du glacier, dans la tempête.
Un grand moment.
Le lendemain, comme le surlendemain, réveil avant le lever du soleil en espérant se lancer dans une sortie à la journée. En passant la tête hors de l’igloo, on se fait fouetter le visage par des bourrasques de neige. Pas d’étoiles, pas de lune, aucune visibilité. Hors glacier, on se serait surement motivés pour faire un petit tour, mais ici, ça serait jouer au con. On est sur une partie plate, bien bouchée, mais on a eu un aperçu des pentes qu’on visait en arrivant ici, zébrées de crevasses. Pas le genre d’endroit ou se trouver quand on n’y voit pas à 10m.
On passe donc la journée dans les duvets, sous notre petit cocon de neige parfaitement à l’abri des rafales. Les moufles rendent compliquée l’utilisation du jeu de cartes qu’on avait monté au cas où la météo tourne mal, alors on s’occupe comme on peut. Les devinettes s’imposent vite comme meilleur moyen de faire passer le temps, enveloppés dans nos tas de plumes. Heureusement, on a prévu large en gaz. Donc on s’offre le luxe de petits thés, cafés, tisanes et autres remontants. On profite également d’une petite accalmie pour passer le nez dehors.
Jour 5
Distance : 17.9 km
Dénivelé + 330 m
Dénivelé – 1 750 m
A l’aube du cinquième jour, la météo se dégrade encore. Rapidement après le lever de soleil, le vent change de direction et remonte du fond de la vallée. Les rafales rentrent maintenant dans l’igloo, et déposent à chaque passage une petite couche de neige légère sur les duvets. Pas d’extravagances aujourd’hui non plus donc. Finalement, la décision de lever le camp est prise, alors on remballe tout notre mobilier dans les sacs, et on se prépare au retour dans la tempête.
A l’exception de quelques secondes ou le blizzard se calme, on est dans un jour blanc total. La bonne nouvelle, c’est qu’on sera dos au vent. Ça pourrait paraitre un détail, mais dans une tempête ou les rafales soulèvent la neige fraiche qui s’agglutine sur la première surface venue, c’est le jour et la nuit.
La montée au col n’aurait pas été possible sans la trace GPX du trajet aller, qui nous aide beaucoup à nous tennir éloigné des plus grosses crevasses.
Le glacier nous impose une quinzaine de mètres de séparation pour garder la corde tendue. Avec le vent, impossible de s’entendre à cette distance, même en criant. Nos seuls échanges se résumeront donc à : point levé = tout va bien, on continue, bras écartés = problème, on s’arrête. Que des points levés toute la montée. Par moment, on devine le ciel bleu au-dessus qui ne semble pas loin, juste au-dessus du blizzard de surface. Ici-bas, c’est le chaos. Mais le chaos le vent dans le dos, c’est plutôt cool en fait.
Arrivés au col, on n’est qu’au début de nos peines. Il faut maintenant descendre en ski avec des sacs de 30kg, encordés. Le brouillard ne nous permet pas de ranger la corde, toujours pas de visibilité sur les crevasses, et le glacer est assez ouvert par endroits. Une galère phénoménale. Pour les sensations en descente, on repassera. Après quelques enfarinages dans la fraiche, on arrive au fond de la vallée, sous les nuages, soulagés.
3 Comments
Au top les copains !
Belle vue quand c’était dégagé, et gros boum boum (sans voisin pour râler cette fois)
Zoubi !
Complètements givrés les jeunes!!!
Tout en restant hyper sérieux vous êtes drôles et vous lire est un plaisir. Trimballer un feu d’artifice, en voilà une super idée… Je vous trouve émouvants….si!Bravo pour la réalisation de l’igloo!
Quel passage d’année!
Photos magiques.
Je vous embrasse fort.
[…] sacs sont plus légers que lors de notre précédente escapade sur le glacier d’Aletsch, mais ça reste éprouvant pour les cuisses et les genoux. Chargés comme on est, on opte pour […]