Durée : 10 jours
Distance : 222 km
-138 à pied – 56 en bateau – 28 en voiture
Dénivelé : 6 415m
Massif : Andes – Argentine / Chili
Point de départ : El Chalten – Argentine
Point d’arrivée : Villa O’Higgins – Chili
Située en zone franche entre l’Argentine et le Chili, la péninsule O’Higgins est une terre délimitée au nord par l’immense Lago O’Higgins, et au sud par trois glaciers : O’Higgins, Gaea et Chico. Difficile d’accès, elle offre des points de vue spectaculaires dans des paysages déserts de toute empreinte humaine.
Il n’existe officiellement qu’une seule sente sur la péninsule qui la traverse jusqu’au glacier Chico. En pratique les possibilités de rando hors sentier sont infinies. Nous avons suivi la sente officielle à l’aller, le retour s’est fait à la sauvage, en passant par les crêtes puis un sommet sans nom.
Itinéraire complet
Jour 1
Distance : 48.4 km
– 28 en voiture – 15 en bateau – 5.4 à pied –
Dénivelé + 371 m
Dénivelé – 154 m
Départ d’El Chalten en stop sur la piste qui monte au nord en direction du lago del Desierto. On se fait embarquer par un ranger du parc en tournée d’inspection. Il nous lâche devant une des plus belles vues du Fitz Roy, un peu après la sortie du parc. Malheureusement on attendra pas beaucoup : une voiture d’Espagnols nous prend quelques minutes après, et nous amène jusqu’au départ du bateau pour la traversée du lago del Desierto. Le temps d’une petite sieste au soleil (interrompue par un couple de pics) et on embarque. Vue sur le Fitz et le Cerro Torre tout au long de la traversée, agrémentée de café et gâteaux « offerts » par l’équipage.
De l’autre côté, le poste frontière en soit vaut le détour. On est accueillis par une famille d’Argentins en tenue décontractée, qui nous propose de camper sur leur terrain après avoir tamponné nos passeports. On décline la proposition car on ne sait pas exactement combien de temps va nous prendre notre excursion, et les bateaux pour traverser le lac O’Higgins plus au nord commencent à se faire rares en fin de saison. On préfère donc avancer.
On plantera la tente en zone franche entre les deux frontières : première nuit dans aucun pays ! Pas forcément très réglementaire, mais ça ne semble pas déranger le Carabiniero Chilien qui nous accueillera le lendemain avec le sourire, dans un poste frontière toujours aussi pittoresque.
Jour 2
Distance : 23.7 km
Dénivelé + 548 m
Dénivelé – 822 m
On continue à avancer en direction du poste frontière Chilien. Au beau milieu de nulle part, en pleine zone franche on passera par une piste de décollage qui ne doit pas servir tous les jours… On profite du détour que l’on a fait pour faire tamponner les passeports pour aller manger chez un gaucho pas loin. Il nous invite à patienter dans son salon le temps de préparer un steak. Ca faisait longtemps qu’on avait pas mangé de viande, donc tant pis pour le timing serré…
On repart le ventre plein une bonne heure plus tard, en direction de la péninsule O’Higgins. Depuis le poste frontière il y a deux possibilités pour rejoindre la péninsule : par un col ou par le bord du lac. On choisit l’option qui s’avérera être la plus longue : les bords du lac nous obligent à monter et descendre de quelques mètres constamment. Il y a donc probablement autant de dénivelé que par le col, mais beaucoup plus de longueur…
À l’heure de planter la tente on rencontrera Gosia et Paul, un couple Germano-Polonais en tour du monde depuis bientôt 6 ans. On partagera notre premier feu de camp ensemble ce soir là.
Jour 3
Distance : 18.3 km
Dénivelé + 741 m
Dénivelé – 751 m
On plie la tente assez tôt pour pouvoir prendre le petit déjeuner devant le lever de soleil sur la colline d’à côté. On a gardé de côté quelques Calafates récoltées la veille pour améliorer notre recette de porridge : pépites de chocolat, dulce de leche, murtillas et calafates. On recommande…
On reprend ensuite la route en direction de la péninsule O’Higgins. En chemin on passe devant la cabane d’un gaucho qui nous offrira le maté. Il nous explique que la cabane appartenait à son père et qu’il est né ici. La vue depuis son jardin a effectivement de quoi faire rêver pendant quelques années… Pendant la pause maté, on tombe sur l’inspection radio quotidienne, à 16h30 tous les jours. La plus grande ville à 200 km à la ronde (Villa O’Higgins : 612 habitants) lance une communication radio avec tous les gauchos du coin. Il lui faut attendre son tour pour annoncer si tout va bien et s’il ne manque de rien. Seul contact avec le monde extérieur.
On reprend ensuite la route toujours en direction de la péninsule. Certains passages ne sont pas faciles à dénicher, une fois de plus le GPS aura bien aidé. On retrouvera Gosia et Paul installés devant un feu sur un spot de bivouac bien abrité du vent, proche du passage pour rejoindre la péninsule
Jour 4
Distance : 16.5 km
Dénivelé + 1 047 m
Dénivelé – 398 m
On repart le lendemain avec eux pour enfin rejoindre cette fameuse péninsule O’Higgins. Une rivière d’une bonne 40aine de mètres de large limite l’accès. Elle relie le Lago Chico avec le Lago O’Higgins : impossible de traverser à pied. Pour la traverser il faut crier jusqu’à ce que le gaucho de l’autre côté de la rive nous entende puis nous fasse traverser.
On criera tous les 4 pendant un bon moment sans que rien ne bouge en face. Après un bon moment, Paul et Gosia décident de sortir de leur sac… Un bateau gonflable !!! Ils nous expliquent qu’ils voyagent comme ça depuis un bon paquet de bornes, en combinant marche à pied et cayak. La pratique n’est pas spécialement rependue mais ils ne sont pas les seuls. Ça s’appelle le packrafting. Quelques minutes plus tard le bateau est gonflé et Paul nous fait traverser un par un à bord pour rejoindre la péninsule. Une fois le bateau replié et embarqué on attaque la montée au col qui nous permettra de basculer du côté du glacier O’Higgins.
La première vue sur le glacier est impressionnante. Pour nous c’est la première fois qu’on voit le champ Campo de Hielo par beau temps (le glacier O’Higgins est une avancée du même champ de glace titanesque que l’on avait aperçu au sud d’El Chalten, une grosse 50aine de kilomètres plus au sud…). La glace se confond avec la ligne d’horizon, on ne peut que s’imaginer la taille globale du glacier.
Après la pause déjeuner on repart, toujours en compagnie de Gosia et Paul. On se séparera le soir au point de bivouac : on essaye de récupérer la vue sur le glacier pour le coucher et le lever de soleil. On trouvera un spot relativement abrité du vent près d’un petit lac sommital. Premier d’une série de bivouacs de rêve.
Jour 5
Distance : 8.8 km
Dénivelé + 748 m
Dénivelé – 291 m
Réveil juste avant le lever de soleil, déjà presque trop tard. Le ciel est déjà rougeoyant. On prendra le petit déjeuner devant un lever de soleil extraordinaire. D’autres suivront… On profite du calme plat pour pendre un petit bain avant de reprendre la route.
On rejoindra Gosia et Paul au moment où l’on retrouvera le sentier. On passera un bon moment à regarder tomber les glaçons. À la réflexion il semble que ce glacier surpasse celui du Perito Moreno sur tous les points : front de glace plus important (une 100 aine de mètres au plus haut), plus de chutes de ceracs, et surtout moins de monde et aucune passerelle. Notre grand regret est de ne pas avoir eut la présence d’esprit de quitter la sente pour descendre voir le front de glace de plus près. Cela vaut très certainement les 600m de dénivelé en plus…
On continue ensuite notre itinéraire en balcon du glacier, jusqu’au col où nous quitterons Gosia et Paul pour de bon. Eux redescendront vers le lago Chico pour en faire la traversée en packraft, nous montons sur un premier petit sommet pour profiter de l’absence de vent pour passer une nuit en hauteur.
Une petite heure plus tard on y est. La vue est spectaculaire. On peut voir trois glaciers majeurs : O’Higgins, Gaea et Chico (et plus d’une 15aine de glaciers en comptant les plus petits), deux parties du même Campo de Hielo Sur éloignées de plus de 50km, le Cerro Francisco Moreno, Cerro O’Higgins et beaucoup d’autres ; tous n’ont pas de nom…
Bien que le vent ne soit pas encore de la partie, on profite de notre avance sur le coucher de soleil pour bâtir un pare vent pour la tente, ça risquerait bien de servir. Quelques heures plus tard on se prépare pour notre première nuit sur un « sommet » patagon. On s’attend au pire…
Jour 6
Distance : 4.01 km
Dénivelé + 428 m
Dénivelé – 296 m
La nuit a finalement été relativement calme. À peine quelques bruits de flottement de toile de tente. Presque déçus…
Le lever de soleil nous fait rappeler pourquoi on est venu passer la nuit là haut.
Pour l’instant le vent est encore très faible. Du coup on envisage d’aller passer la nuit un poil plus haut, sur le sommet de la péninsule : le Cerro Don Lucho, de l’autre côté du col. Petite journée en perspective donc.
On remballe tout et on traverse le col. De l’autre côté la vue s’améliore encore : on voit de nouveau le front de glace du glacier O’Higgins, la perspective sur le champ de glace s’allonge, mais on en voit toujours pas le bout. Petite vue sur le Fitz Roy en prime. Il s’avère impossible de planter la tente au sommet, faute de place. On s’installe donc une petite centaine de mètres en dessous, mais toujours en balcon de notre glacier préféré.
Le temps de monter un petit mur de pierre, et on s’installe pour le repas devant le coucher de soleil. Certainement la meilleure polenta de notre vie jusque là.
Jour 7
Distance : 11.7 km
Dénivelé + 426 m
Dénivelé – 1131 m
Difficile de choisir de quel côté prendre le petit déjeuner. Le front de glace avec ses chutes de glaçons permanentes ou la cascade de nuages de l’autre côté… Notre recette de porridge au dulce de leche, chocolat, Calafate et Murtillas s’améliore en dosage. A cette altitude impossible de trouver des murtillas et encore moins de Calafate, et on arrive au bout de notre petite réserve. Il va falloir penser à redescendre.
On passera par un parcours « d’arrête » entre deux des 4 sommets de la péninsule (tous entre 1650 et 1700) la précision des cartes topo de la zone ne nous permet pas d’en savoir plus avec certitude, on passera visiter deux des trois autres sommets sur notre route, accueillis par la pluie dès le second. On entame la descente vers la sortie de la péninsule toujours sous la pluie. On s’en fout : on a réussi à extorquer trois jours de beau temps sans vent à la météo Patagone. Joli coup.
On trouvera notre spot de bivouac près d’un lac qu’on avait repéré du sommet. Il pleut encore, mais toujours pas de vent. On ne prend plus la peine de monter un mur…
Jour 8
Distance : 11.4 km
Dénivelé + 851 m
Dénivelé – 744 m
Encore un levé de soleil extraordinaire, mais on ne s’en lasse pas. Le soleil chasse l’humidité de la forêt en créant des bancs de nuages dorés au dessus du lac, avec des Lenga toujours plus rouges au premier plan. On sera finalement chassés de notre promontoire par un nuage plus insistant que les autres.
Direction le passage du fleuve pour quitter la péninsule. Arrivés en bas, les gauchos sont chez eux cette fois, mais occupés à dépecer une vache. Ils nous disent qu’ils en ont pour la journée et qu’il faudra attendre le soir pour traverser. Ca change un peu nos plans mais on a pas vraiment le choix… On se trouve donc un spot au soleil pour passer la journée.
Finalement ils nous font signe en milieu d’après midi, on en profite pour leur demander si on peut leur acheter un peu de viande fraiche. La réponse du Gaucho : « Oui, combien de kilos ? » On se fait donc embarquer pour la petite traversée avec un kilo de filet de bœuf encore chaud dans le sac.
De l’autre côté de la rivière une autre cabane de gaucho, avec pour seul locataire un chat qui nous accompagnera au début de notre ascension au col (après lui avoir donné un bout de filet de bœuf ; il y a peut être un lien…)
On se trouvera un nouveau spot 5 étoiles à l’entrée du col, juste à la sortie de la forêt. Comme pour clôturer notre séjour ici, on aura de nouveau droit à un coucher de soleil incroyable sur la péninsule et le glacier O’Higgins.
On prépare le feu pour cuisiner notre filet de boeuf, cuit sur une pierre chaude. Repas 5 étoiles pour un spot 5 étoiles. Il ne manquait que le verre de rouge…
Jour 9
Distance : 13.4 km
Dénivelé + 950 m
Dénivelé – 907 m
Comme d’habitude, beau levé de soleil, petit déjeuner royal. On plie le camp et on file. On profite du beau temps pour rallonger le retour en passant par le Cerro Colorado, presque sur la route
On quitte donc de nouveau la trace. Attention à la dernière pente sommitale : un pierrier instable assez raide. Pour accéder au sommet il faut d’abord passer de l’autre côté : trop d’engagement et d’exposition sur la face ouest. On récupère du pierrier merdique sur la face est, mais aucune exposition.
Arrivés au sommet, la vue sur le lac et les sommets autour est impressionnante.
On profite d’un temps relativement clément (le vent s’est finalement un peu levé) pour s’offrir un casse croûte au sommet. La descente de l’autre côté est facile et l’itinéraire assez évident.
On tombera sur un petit lac en balcon (du grand lac) pour planter la tente et faire cuire notre deuxième demi kilo de filet.
Jour 10
Distance : 65.2 km
Dénivelé + 305 m
Dénivelé – 1017 m
Le bateau pour O’Higgins part à 16h30. On décide donc de ne pas faire le détour pour rejoindre la sente et de tracer au plus rapide. Finalement ce sera effectivement plus court, mais ça nous demandera beaucoup plus de temps que de passer par la trace. Au lieu de la descente sur une prairie qu’on pensait avoir repéré à l’aller, il nous faudra traverser une forêt dense, puis une succession de collines et canyons peuplés de buissons épineux encore plus denses…
On redouble d’efforts pour avoir le temps d’un steak chez le gaucho qui habite à côté de la jetée d’où part le bateau (non sans prendre le temps de faire honneur aux meilleures calafate qu’on ai eu jusque là). On finit par arriver sur la sente juste avant le pont qu’on avait emprunté à l’aller pour franchir le Rio Obstaculo.
Étrange joie indicible de rejoindre le sentier après avoir dépensé tant d’énergie à l’éviter…
On rejoint rapidement l’estancia proche de la jetée, juste à temps pour pendre un repas avant le départ du bateau. Toujours pas de vent, la traversée du lac sera très paisible. Appréciable avec 10 jours de marche dans les pattes.
3 Comments
Bravo, c’est de plus en plus sympa de vous suivre. bonne continuation…
je n’avais pas eu le temps de lire vos récits depuis quelques temps, du coup je rattrape mon retard et… Wahou !! Les photos sont à couper le souffle, les paysages, les glaciers, les levés et couchés de soleil… juste sublimes !! Continuez de nos faire rêver et profitez !!
Wouaw tout simplement magnifique.. merci de partager vos itinéraires, vos récits et vos photos !