Durée : 3 jours
Distance : 106 km en scooter
9 km à pied
Dénivelé : 675 m
Massif : Zwe Ka Bin – Birmanie
Point de départ : Hpa-An
Coordonnées du point de départ : 16.8759°N, 97.6439°E
Récemment ouvert aux étrangers, la Birmanie est un pays marquant.
Capsule temporelle dirigée pendant de nombreuses années par une succession de dictatures, le pays donne à voir de nombreux paradoxes. Seul le centre est ouvert aux visiteurs. Il est absolument impossible d’accéder aux montagnes du Nord et l’ensemble des zones frontalières sont fermées. Dans ces zones encore plus qu’ailleurs, les libertés individuelles n’existent pas. Si un semblant de démocratie semblait apparaitre ces dernières années, il a été balayé par le génocide Rohingya forçant à l’exode des centaines de milliers de réfugiés vers le Bengladesh voisin.
Par ailleurs, le gouvernement garde un contrôle important sur les activités touristiques et l’économie associée. Les visiteurs ne peuvent dormir que dans les hôtels officiels (où l’état prélèvent une partie conséquente des recettes), le bivouac est donc formellement interdit. Alors forcément, on a du se planquer un peu.
Malgré ce tableau peu flatteur, nous y avons fait des rencontres étonnantes avec un peuple ouvert et avenant, affrontant le manque de libertés et de moyens sans lamentations ni violences. Chez certains, nous avons ressenti une grande fierté à l’égard de leur pays au passé culturellement riche, politiquement oppressant, mais surtout incroyablement beau.
L’itinéraire combine un road trip asiatique (donc en scooter) avec une traversée à pied du massif sacré de Zwe Kabin et un bivouac au plus près des étoiles.
Video
Itinéraire complet
Hpa-An – Kaw Gon
Distance : 27.2 km
Dénivelé + 145 m
Dénivelé – 145 m
Fraichement arrivés en bus dans a ville de Hpa An, on trouve « sans problème » un loueur de scooter qui accepte de nous laisser deux bolides pour quelques jours. Une certaine obligation envers l’état contraint notre loueur à une fâcheuse curiosité. Où dormons nous les jours suivants? Un nouveau petit hôtel qui vient juste d’ouvrir ses portes, dont il n’a certainement jamais entendu parler…
La première étape du périple consiste à rejoindre la grotte Yathae Pyan. Comme beaucoup d’autres grottes dans la région, elle est habitée par des dizaines de statues de Buddha et autres comparses devant lesquels viennent se recueillir de nombreux pèlerins. Le boyau traverse la petite montagne et ressort sur l’autre versant. Ici, une famille de singes semble faire la loi en chipant tout ce qui peut être mangé ou bu, le reste aussi.
A deux pas de là, une autre grotte mérite le détour. Celle-ci est restée beaucoup plus sauvage que sa voisine, et pour cause : elle est remplie d’eau à mi-hauteur. Quelques barques sont arrimées là. En nous voyant débarquer un guide sort de l’ombre d’un arbre et se propose de nous faire visiter la grotte sur son embarcation. Quelques puits de lumière éclairent l’intérieur de la grotte, mais ici, point de singes ni de statues.
Après une petite boucle sur la coquille de noix, nous reprenons les bolides en direction d’une autre grotte, celle de Kwa Gon. La cavité ne pénètre pas à l’intérieur de la montagne mais le mur de pierre est orné de centaines de petites niches de Buddha qui veillent sur les pèlerins.
Il faut commencer à chercher un spot de bivouac, un peu à l’abri des regards donc. Après quelques errances on trouve l’endroit idéal au pied d’un python rocheux en bord de rizière.
Kaw Gon – Zwe Ka Bin
Distance : 34.5 km
Dénivelé + 460 m
Dénivelé – 10 m
Le lendemain, après une petite visite des lieux, alors qu’on rebrousse chemin aussi discrètement que nos pétrolettes le permettent, un moine nous fait signe sur le retour. Curieux de voir passer des visiteurs, il nous invite à prendre le petit déjeuner. Il vit dans une petite construction de bois sous un plafond de feuilles de palmier. Une fois établi le constat que nous n’arriverons pas à communiquer avec des mots, il se prête volontiers au jeux de mimes. Nous exécutons le rituel pour remercier les dieux du plat de nouilles qui nous est offert. Plus loin, il nous explique qu’il construit une stupa depuis quelques années et nous y fera une petite cérémonie.
Il nous confie que pour avoir suffisamment de force pour continuer le voyage, il faut ingurgiter une boisson étrange (pour une fois non alcoolisée). Il nous sert deux verres du breuvage qui nous laissera un gout d’apprêté féroce dans la bouche pendant quelques heures. Ça semble beaucoup le faire rire. Lui n’en boit pas.
Avant de partir, le moine nous invite à une partie de chinlon. Le jeu consiste à enchainer les passes au pied avec une balle de rotin tressée sans qu’elle ne touche le sol. Les moines qui nous ont rejoint nous donnent une leçon de virtuosité, les toges remontées jusqu’aux fesses nues.
Sur la route pour le mont Zwe Ka Bin, une pagode attire notre attention. Au centre d’un petit lac parfaitement circulaire, elle a été érigée au sommet d’un python rocheux qui semble lui même avoir été planté dans le décor de la main de l’homme. Une passerelle permet de traverser l’étendue d’eau pour rejoindre la pagode, et une petite échelle de bambou est suspendue au sommet de python rocheux. Malheureusement, le commun des mortels n’est pas autorisé à monter, ce privilège est réservé à une poignée de moines qui occupe les lieux. Pour autant, l’ambiance est assez incroyable, même vu d’en dessous.
Après avoir fait le tour des lieux, on se remet en route jusqu’au départ du sentier à l’Ouest du massif. Le projet est de traverser la montagne, donc on laisse un scooter de ce côté et on s’installe à deux, avec deux gros sacs de rando sur le scooter restant. L’installation est précaire. Le pilote est avancé autant que possible sur la selle pour entasser deux sacs derrière, et le passager enfourche la montagne de sacs, dépassant le conducteur de quelques têtes.
On se faufile vers l’Est du massif sur une sente que l’on pensait carrossable mais qui s’avère être un petit chemin de rando, en poussant le scoot ça passe… Une fois le col passé on retrouve une piste qui permet de rejoindre le départ du sentier. Il faut s’acquitter d’un droit de passage pour se lancer dans la montée où des escaliers ont été aménagés à flanc de falaise, sur 400 mètres de dénivelé. La montée par le versant Est en fin d’après midi nous permet de profiter d’une (très) relative fraicheur à l’ombre, en comparaison avec le cagnard qui règne sur les plaines autour.
Une à deux heures plus tard, on s’approche du sommet du massif. La petite citadelle de Kyaut Ka Latt, perchée au point le plus haut accueillait autrefois les visiteurs dans son monastère pour y passer la nuit. C’est désormais interdit depuis le suicide d’un touriste quelques années plus tôt, qui provoqua la colère des dieux et une terrible tempête sur la région. Une petite sente à peine marquée permet de s’éloigner du chemin pour accéder aux sommets au Nord du massif. Elle rejoint la ligne de crête et s’éloigne suffisamment du monastère pour passer la nuit sans être vu, dans ce décor invraisemblable, sans courroucer ni dieux ni moines.
Là-haut, une arête s’élance sur plusieurs kilomètres. De petits sommets intermédiaires coiffés de stupas hérissent la crête. Des deux côté, des falaises de plusieurs centaines de mètres propulsent quelques parcelles de fôret au-dessus de la plaine. Le soleil qui rase l’horizon enflamme la pampa d’une couleur orangée au moment où on trouve notre spot de bivouac. Au bout de l’arête, les lumières du temple ne tardent pas à céder la place aux étoiles.
Zwe Ka Bin – Hpa-An
Distance : 53 km
Dénivelé + 60 m
Dénivelé – 520 m
Le lendemain, le soleil se lève au-dessus d’une chape de brume qui occupe souvent la plaine. Après avoir plié le camp, on retourne sur la sente empruntée la veille. Sur le chemin, on trouve une petite porte scellée dans la roche. En faisant grincer les charnières rouillées, on s’aventure dans une grotte sombre aménagée sommairement d’un tapis. Seul un faible rayon de soleil rasant vient éclairer un petit Bouddha poussiéreux. Au bout, le fenestron offre une vue de l’autre côté de la montagne. Un peu plus tard, on finit par rejoindre rapidement le chemin principal qui mène à la citadelle haut perchée, un vrai petit village construit autour du monastère. Au raz des falaises, une grande stupa semble être le cœur du village où moines et pèlerins se recueillent. Une plateforme suspendue au-dessus du précipice est en cours de construction. Les pieds nus des ouvriers assis en équilibre sur les poutrelles se balancent au dessus de plusieurs centaines de mètres de vide.
Le tableau est très pittoresque, mais en grande partie gâchée par des détritus omniprésents. C’est sans compter les sacs entiers jetés directement de la falaise qui viennent s’entasser sur un pierrier en contrebas. Un étrange mélange de sentiment d’impuissance, de colère et de culpabilité nous embrouille les idées le long de la descente sur le versant Ouest, souillé de détritus en tout genre. Comme pour sortir de cette torpeur, des centaines de sculptures de Buddha sont réparties de part et d’autre du chemin qui nous permet de regagner le scooter qu’on avait abandonné là.
Même entassement que la veille, à deux avec deux gros sacs sur un petit scooter. Même succès sur la route, mais cette fois ci il faut faire 45km de piste pour rentrer par le Sud du massif. Au passage, arrêt obligatoire à la grotte de Mahar Sadan. L’entrée est ornée de stupas et statuettes de toutes tailles, puis le couloir s’affine vers un boyau où la lumière du jour ne pénètre plus. Une passerelle permet de traverser un précipice, éclairé de boules lumineuses un peu kitch, mais qui sommes-nous pour juger ?
Sous un plafond de chauves-souris, la grotte s’ouvre de nouveau sur un puit de jungle et de lumière où gît une immense stalagmite de plusieurs mètres de haut. En son sommet, presque imperceptible, une petite stupa règne sur les lieux . De l’autre côté de la grotte, un petit lac semble s’être fait coincer par les falaises qui l’entourent. Au bout de ce jardin verdoyant, une autre grotte (sans lumières celle-ci) permet de poursuivre l’aventure en mode spéléo pour déboucher sur une autre partie du massif. On fait demi-tour jusqu’au lac où flottent quelques pirogues qui permettent un retour au travers d’une troisième grotte. Le calme du lac qui s’engouffre dans la cavité nous permet de glisser sans bruit sur une coquille de noix sans moteur en direction du point de départ où nous attendent les scooters.
Une fois de l’autre côté, un réseau de canaux s’étend au milieu des rizières, notre gondolier nous dépose à quelques mètres de l’endroit où on avait laissé notre bolide. Le soleil se couche, il nous reste une bonne trentaine de kilomètres à deux sur le même engin avant de récupérer le deuxième scooter resté au point de départ de la rando. De nuit, la piste chaotique se fait sentir… kilomètre après kilomètre, on encaisse les nids de poule !
Une fois retrouvé le deuxième scooter à la faible lueur des phares du premier, il nous reste une petite heure de pétrolette jusqu’à la ville de départ de Hpa-An où on arrive au milieu de la nuit. Exténués.
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