Durée : 6/8 heures
Distance : 14 km
Dénivelé : 745 m
Coordonnées du point de départ : 22.835°N, 106.705°E
Le Nord du Vietnam est parsemé de petites collines pointues parfois trouées d’immenses grottes, le tout bordé de rizières en terrasses et de magnifiques villages.
Les paysages sont très travaillés et urbanisés mais restent magnifiques. Ils regorgent de sentiers et petites pistes praticables à scooter dont beaucoup ne sont répertoriés sur aucune carte. C’est un bonheur de se perdre dans cette région. L’itinéraire dont il est question aujourd’hui est un concentré de pépites. Faisable en un ou deux jours, le tracé enchaîne petits villages reculés, temple haut perché, cascade invraisemblable et clou du spectacle : traversée d’une montagne par une grotte sans autres ombres de touristes que les deux nôtres.
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Itinéraire complet
Deux points de départ sont possibles, mais on conseille vivement de commencer au Sud de la boucle. Il faut une petite heure de scooter tape cul pour s’enfoncer dans la vallée (qui descend !) pour arriver au village d’où commence l’itinéraire. Il est tard, on demande aux occupants de la première maison du village la permission de planter la tente sur une rizière voisine. Comme souvent dans cette région, il nous propose de nous laisser leur lit. On réussit difficilement à décliner l’offre. En revanche, on accepte avec plaisir la proposition de partager le dîner.
On monte la tente en vitesse sous l’œil intrigué des enfants du village. Lorsque l’on arrive chez nos hôtes nous sommes attendu. L’apéro est servi juste après notre arrivée. Par politesse, on englouti le premier verre (cul sec, tradition oblige) avant de demander ce que c’est. Comme souvent au Vietnam, la base est un alcool de maïs (plus rependu que l’alcool de riz dans certaines régions). C’est très fin comme goût, mais très difficile à décrire. On voit dans la bouteille beaucoup de chose : des écorces, quelques racines, mais visiblement on rate quelque chose, nos hôtes ont un petit sourire malicieux.
L’un d’eux part chercher l’ingrédient clé et revient une minute plus tard avec une bouteille remplie de gros frelons macérés. On y goutera à ce breuvage un peu liquoreux. C’est excellent, on partagera quelques tournées avant le repas. On nous trouve ensuite deux places autour de la table déjà bien remplie par toute la petite famille. Le repas est généreux et excellent. Chacun remplie son petit bol avec les plats sur la table : riz (bien sûr), laitue revenue dans de la graisse de porc, morceaux de porc mariné et soupe de légumes verts. Le tout est cuisiné sur un petit feu de bois entretenu par tous.
Une fois passée la barrière du premier contact où les mots doivent sortir même s’ils ne sont pas dans la même langue, on arrive finalement à se comprendre assez bien entre mimes et signes. Ils se demandent ce qu’on fait là. On leur explique qu’on a trouvé un itinéraire de randonnée qui passait par là avec potentiellement une traversée de grotte. Traduction en signe : deux bras au dessus de la tête pour mimer une grotte. La grotte ça leur parle, ils nous proposent de la visiter le lendemain avec les enfants. Parfait. Les enfants trépignent d’impatience.
On retourne à la frontale dans la tente vers 21h. Plus une lumière dans le petit hameau.
On est le 31 décembre.
Le lendemain, on se réveille quelques minutes avant les premiers mouvements dans le village. Les enfants ne tardent pas à nous rejoindre. On partage avec les premiers notre mini boîte de 6 Ferrero. Maintenant on est des potes, des vrais. On plie nos affaires devant une bonne douzaine d’œil attentif et on file prendre le thé et réunir l’équipe de l’expédition. On part à une dizaine, 8 enfants, un grand-père et nous. Ça gigote, ça piaille en Vietnamien, ça saute de partout, ça nous change de notre quotidien.
L’entrée de la grotte ne paye pas de mine. Il faut se glisser dans un petit boyau au raz d’un ruisseau qui s’engouffre à l’intérieur (d’où la vallée qui descend !) Une fois passé les premiers mètres, le boyau débouche sur une salle titanesque. Une ouverture un peu plus haute éclaire l’immense volume d’une lumière tamisée. La rivière coule au milieu et s’enfonce dans une grande cavité. Au dessus une deuxième énorme cavité parcourt la montagne. Une sorte de duplex.
Les enfants sautillent dans tous les sens, sous l’œil un peu désemparé mais toujours attentif du grand-père. Visiblement ils ne doivent pas venir ici souvent. Ils grimpent sur toutes les stalagmites (un cauchemar de spéléologue, on imagine), lèchent les stalactites, se cachent derrière des colonnes, et collectent quantité de petits cailloux. La présence d’une paire de lance-pierre au hameau a suffi à rendre les petits cailloux ronds quelque chose de précieux. Les poches se remplissent.
Nos guides nous font visiter les deux niveaux de la grotte jusqu’à ce que la pénombre se fasse trop envahissante. On en profite pour faire du repérage. La rivière semble couler gentiment au fond d’un immense couloir. On verra ce que ça donne depuis l’autre côté. Après une bonne heure dans la grotte, le grand-père sonne la retraite. Tout le monde se remet en marche vers la sortie avec plus ou moins d’entrain… De retour à la maison, on prendra le temps de partager un thé avant de partir pour la boucle de notre côté.
Un sentier sort du village en direction des petites montagnes derrière. Sur la route on croise deux villageoises, visiblement étonnées de voir des promeneurs ici. Une fois passé le petit col, le chemin redescend de l’autre côté au travers des rizières et petits villages jusqu’à la frontière chinoise. Une fois redescendus dans la vallée, on arrive au pied d’un temple bouddhiste qui s’étend sur plusieurs étages à flanc de falaise.
Le temple est particulièrement esthétique et offre de beaux points de vue sur la vallée. On aimerait croire à un vestige bien conservé des temps immémoriaux, mais la construction date de quelques années à peine et a été entreprise par ferveur religieuse bien sûr, mais aussi dans le but d’attirer plus de touristes dans cette région reculée. Ceci dit c’est très beau. Quelques dizaines de mètres au dessus du temple on trouve même un petit spot plat pour planter la tente, dommage qu’on ne l’ait pas prise avec nous !
On commence à deviner la cascade de Ban Gioc, quelques kilomètres plus bas. Pour aller voir ça de plus près, il est possible de monter à l’arrière d’un scooter pour une poignée de Dongs et ainsi éviter d’avoir à marcher sur une route commerciale sur laquelle transitent d’énorme camions venant de Chine. On est bien loin d’une cascade sauvage : il faut payer son entrée sur le site, affronter une armée de marchands ambulants avant de pouvoir profiter de l’endroit. Les cascades sont effectivement très impressionnantes. Une enfilade de chutes se déversent dans deux bassins étagés, le tout avec un débit assez féroce.
Le meilleur point de vue semble être de l’autre côté de la rivière. On demande aux pilotes de barque s’ils peuvent nous faire traverser, ce à quoi ils répondent en montrant du doigt les gardes armés de l’autre côté de la rivière. Visiblement on ne traversera pas. Il faudra se contenter d’un petit tour en barque pour apercevoir l’ouverture de l’amphithéâtre dans lequel se jettent les cascades. Ça fait vraiment promène touriste, mais ça vaut le coup. Il commence à se faire tard ; on saute sur deux taxis moto qui nous mènent à l’autre entrée de la grotte, l’officielle, quelque kilomètres plus à l’Ouest.
On a trouvé sur Wikilloc un tracé sans aucune description qui semble rentrer par le Nord pour ressortir au niveau du village. Le problème des grottes c’est qu’elles ne sont pas franchement compatibles avec les Gps. On sait simplement qu’un jour, quelqu’un a réussi à traverser. On ne sait ni combien de temps ça prend, ni par où passer, on sait juste que ça doit déboucher quelque part. La première partie de la grotte est aménagée. Un petit sentier sillonne entre les colonnes et quelques projecteurs mettent en avant les reliefs et drapés calcaires. On retrouve rapidement la rivière qui coule au fond de la grotte. Très certainement la même qui s’enfonce dans la montagne de l’autre côté. On n’a qu’à remonter le cours d’eau, si tout se passe bien on ressort de l’autre côté, si les choses se gâtent on fait demi tour. Sur le papier c’est plutôt simple.
Après deux faux départs menant à des bassines infranchissables, on finit par trouver le point de départ dans l’une des dernières salles, au dessus de l’escalier qui descend au lotus calcaire. Il ne faut pas chercher à longer la rivière tout de suite. Le passage clé se trouve un peu en hauteur par rapport au sentier aménagé et redescend ensuite dans une autre salle au fond de laquelle on retrouve le cours d’eau. A partir de maintenant plus de sentier, mais surtout plus d’autre lumière que celle de la frontale. Comme un léger goût d’aventure. Les salles se succèdent, toutes plus massives les unes que les autres.
Le plafond est hors de portée de notre frontale. Plus on s’enfonce dans la grotte, plus l’obscurité devient saisissante.
On perd rapidement toute notion du temps et de l’azimut. Le sentiment d’être de passage dans un monde hostile dont on ne connait rien, couplé à l’excitation de l’exploration, le silence invraisemblable, le tout relevé d’une pointe d’angoisse passagère ( nous n’avons qu’une lampe pour deux) rendent l’expérience particulièrement prenante. La seule chose qui nous rattache au monde extérieur est cette rivière en laquelle on place une confiance aveugle pour nous sortir de ce pétrin.
Les salles s’enchaînent, toujours aussi énormes. Certaines sont occupées par des successions de bassines scintillant sous la frontale. Il faut constamment traverser le ruisseau pour trouver le côté par lequel ça passe. Après deux bonnes heures qui en paraissent dix fois plus, on reconnaît un tronc qu’on avait installé sur la rivière le matin même pour aider les enfants à traverser . On est à une centaine de mètres de la sortie !! Une légère euphorie s’empare des troupes à mesure qu’on reconnaît les lieux. Il fait déjà nuit donc pas de lumière au bout du tunnel mais c’est tout comme…
Après coup, c’était franchement une expérience assez exceptionnelle, mais on peut l’avouer maintenant, c’était aussi assez flippant et on n’est pas mécontents d’avoir trouvé la sortie. Maintenant qu’on est tirés d’affaire, on rallume un petit foyer abandonné à l’entrée de la grotte. La première grande salle est tapissée d’un lit de graviers où coule la rivière, les emplacements de tente ne manquent pas.
Cette fois ci on se laisse doucement envelopper par cette ambiance de grotte lentement apprivoisée au bord du feu. Le calme troublant de la journée devient un silence apaisant une fois dans les duvets. On dormira comme des pierres tombales.
On profite du calme et de l’obscurité pour s’offrir une belle grasse mat. En sortant le nez de la tente on se rend de nouveau compte de la taille de l’antre, de nouveau éclairée au travers des branchages qui occupent l’ouverture. On est plutôt au large…
On passe faire nos adieux au village, le tout évidemment arrosé de thé. On serait bien resté quelques jours, mais il nous faut retourner à Hanoï rapidement.
Sur le chemin du retour, après une demie heure de scooter on croise les enfants qui reviennent de l’école. A pied.
Toute la région Nord du Vietnam est certainement pleine de pépites du genre de celle qu’on a trouvé ici. Difficile de ne pas s’arrêter tous les virages… Le manque de cartographie de la zone rend les itinéraires de randonnée difficile à planifier mais une fois sur place, les possibilités ne manquent pas. Il est très facile de louer un scooter dans la ville de Cao Bang pour aller se perdre dans les pains de sucre plus au Nord. La région est pleine de petites sentes goudronnées parfait pour le voyage en deux roues. La prochaine fois pour nous ce sera certainement sans moteur.
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