Durée : 2 jours
Distance : 82 km
Dénivelé : 420 m
Point de départ : Siem Reap – Cambodge
Coordonnées du point de départ : 13.36023°N, 103.85302°E
Difficile de ne pas abuser des superlatifs pour décrire les temples d’Angkor, cet immense site archéologique colonisé par une jungle exubérante qui témoigne à la fois de la puissance et de l’insignifiance d’une civilisation disparue. Un petit millier d’années à peine avant notre ère, la capitale de l’empire Khmer était en pleine expansion, principalement grâce à la construction d’immenses réservoirs permettant de retenir l’eau des moussons pour irriguer les cultures une fois la sécheresse venue. Le royaume prospérant, les temples sortaient de terre, tantôt Indouistes ou Bouddhistes, en fonction du dernier culte en vigueur dans la capitale. La raison du déclin de cette civilisation est encore méconnue. Si les guerres et maladies sont une hypothèse, une autre explication avancée est une perte progressive du contrôle de la même ressource qui fit la grandeur de l’empire : l’eau. Des pluies torrentielles et sécheresses prolongées auraient eu raison des réservoirs et canaux, dispersant la population au travers du pays.
En visitant les lieux, cette sensation de mystère est exacerbée par la jungle qui colonise les temples. D’immenses arbres écrasent les vestiges, torturant les blocs de pierre de leurs racines, comme pour venger leurs ainés, abattus par l’homme pour exprimer sa ferveur religieuse. On se prend à rêver de découvrir un vestige oublié, après plusieurs jours à se frayer un chemin à la machette dans une fôret inextricable. Si le songe est vite balayé par les cars qui déversent un flux ininterrompu de visiteurs au pied des temples principaux, l’ampleur du site permet de se perdre dans la fôret pour y découvrir de petits temples, en dehors des circuits touristiques classiques. S’il n’y avait qu’un seul conseil à donner, ce serait celui de visiter le site à vélo, à la fois pour profiter de cette liberté et pour appréhender l’immensité du site. Pour aller plus loin dans cette direction, pourquoi ne pas prendre une moustiquaire pour passer la nuit sur place ? On n’a pas poussé le vice jusqu’à poser le tente à côté d’un temple, mais les petits sentiers à l’écart des regards sont nombreux. Vestiges des années de guerre civile qui ont ravagé le pays, il reste encore des milliers de mines qui n’ont pas explosé au Cambodge. Ce premier site touristique du pays a été passé au peigne fin, et le fait de rester sur un sentier – aussi petit soit il- limite beaucoup les risques, mais mieux vaut ne pas s’aventurer dans la broussaille.
Video
Itinéraire complet
Jour 1
Distance : 30.2 km
Dénivelé + 250 m
Dénivelé – 250 m
Départ matinal de Siem reap pour louer deux vélos et se rendre sur le site d’Angkor. Il faut faire un petit détour pour récupérer les billets d’entrée, vendus en ville, puis direction plein Nord. Le premier temple qui se dresse sur notre route est celui d’Angkor Vat. Alors que le roi Devunagshar ne semblait pas parvenir à concevoir d’hériter, Indra (le roi des dieux) descendit sur terre pour donner un fils à la reine Vong (l’Histoire ne donne pas plus de détail sur la conception…) Leur fils, Preah Kêt Meal, après une éducation à la cour des empereurs Khmer, fut invité à passer une semaine au royaume des cieux.
Impressionné par ce qu’il y vit, Indra mit à son service son architecte personnel pour l’aider à construire sur Terre une reproduction d’un des bâtiments qu’il apprécia. Par pudeur, Preah Kêt Meal se contentât de faire construire une reproduction des écuries d’Indra, suffisamment impressionnant pour épater le commun des mortels pour quelques siècles. Aujourd’hui, c’est l’un des temples les mieux conservés du site. Il est encore « en service », et des cérémonies y ont lieu en permanence, du grand office au petit rituel à l’ombre d’une colonne.
Le bon état de conservation d’Angkor Vat en fait un bijou d’archéologie, ce n’est pour autant pas le temple qui nous a le plus marqué, car les stigmates du temps s’y font beaucoup moins sentir que sur le reste du site. Autre fait qui nous a agréablement surpris dans la région, il n’y aucun détritus au sol. Et pour cause, des équipes de nettoyage discrètes et efficaces parcourent le site sans relâche, centralisant les déchets à l’écart des regards sur des motos bennes impressionnantes qui soulagent le site de dizaines de gros sacs poubelles pleins à craquer.
Plus au Nord, le temple de Phnom Bakheng domine la plaine. L’édifice en lui-même est plus petit, mais il a été construit sur une colline qui offre un point de vue sur les environs. Au pied de celle-ci, les vestiges d’un portique métallique rouillé rappellent qu’il y a encore quelques années à peine, la montée pouvait se faire à dos d’éléphant. Heureusement, cette pratique a depuis été interdite. De là-haut, on devine l’envergure du site. Au loin, les tours des autres temples dépassent de la canopée.
Construit au 9ème siècle, ce temple est l’un des plus anciens édifices de la capitale déchue. Des travaux de restauration sont en cours, comme en témoignent les archéologues occupés à mesurer et dessiner chaque pierre encore debout. Le temple représenterait le Mont Mérou, demeure des dieux Hindous. Construit sur sept niveaux pour représenter les sept niveaux du paradis (un paradis à étage ?). Chaque étage accueille 12 tours, qui pourraient représenter le cycle de Jupiter.
En continuant notre exploration, on arrive à la cité d’Angkor Thom. C’est un carré parfait de trois kilomètres de côté. Quatre entrées principales -une à chaque milieu du côté du carré- permettent de traverser les douves puis les remparts pour accéder au cœur de la cité. Nous y entrons par la porte sud. De part et d’autre du pont, 54 géants pétrifiés gardent la porte des mauvais esprits qui voudraient pénétrer la capitale. Ils ne nous auront causé aucun problème.
Le centre géographique de cette citée carrée est marqué par le temple de Bayon. Erigé au XIII siècle, peu avant le déclin de l’empire, c’est l’un des plus riches du site. Les bas-reliefs sont d’une finesse incroyable, représentant un mélange de scènes de vie quotidienne et divines. Les nombreuse têtes de Buddha témoignent du changement de religion officielle de l’Indouisme au Bouddhisme. En continuant notre exploration des lieux, on se dirige vers le temple Baphuon, un autre temple colline en rénovation.
Le soleil commence à décliner, alors on opte pour une petite virée hors du circuit principal au Nord du temple, où l’on découvre d’autres vestiges, plus petits, mais en partie colonisés par la jungle environnante. Les endroits à l’abris des regards sont nombreux, et la tentation d’installer le camp en bordure d’un petit temple est grande. Par pudeur, et -soyons honnêtes- par peur de s’attirer des ennuis, on décide de chercher un spot de bivouac à l’extérieur de l’enceinte de la cité d’Angkor Thom.
On trouve notre bonheur entre les murs de la cité et les douves, sur une petite plateforme qui semble avoir été faite pour accueillir notre tente. Une fois la moustiquaire montée, il ne reste plus qu’à espérer que les cigales se calment pour la nuit. Ceux qui diront qu’un fond sonore de cigale n’est pas désagréable pour dormir n’ont jamais entendu les spécimens cambodgiens. Doux mélange de scie circulaire, alarme a incendie et freins grippés, le tout à une puissance qui force parfois à hausser le ton pour s’entendre, ce « chant » n’a rien de mélodieux ni exotique, c’est un vacarme infernal.
Heureusement, comme leurs cousines occidentales, elles se taisent dès que le soleil disparait.
Jour 2
Distance : 52 km
Dénivelé + 170 m
Dénivelé – 170 m
Les premiers rayons de soleil nous font plier le camp alors que le cigales reprennent leur pétarade entêtante. Le départ matinal nous permet de faire un premier tour avant l’afflux de visiteurs dans l’un des temples les plus marquants, celui de Ta Prohm. Paradoxalement pour un site archéologique, ce ne sont pas les constructions elles-mêmes qui forgent le caractère du site, mais son appropriation par une végétation luxuriante. Laissé tel qu’il fut découvert à la fin du XIXème siècle, le temple est colonisé de faux fromager (les Tetrameles nudiflora), d’immenses arbres dont les racines torturent les pierres taillées, mettant à rude épreuve les constructions bientôt millénaires.
L’ambiance est magique. En quelques siècles, la jungle a repris ses droits sur les ambitions humaines. L’enchevêtrement de racines, des pierres et de lianes donne à voir un champ de guerre des plus poétiques où le végétal, conscient que le temps jouera en sa faveur, ne semble pas pressé de réduire en poussière les blocs de pierre, derniers témoins d’une puissance effacée. Ici, les bas-reliefs n’ont pas été restaurés. Le temps et la mousse ont progressivement effacé les danseuses célestes et autres gravures dont il ne reste que de timides saillies arrondies.
Après quelques heures de flâneries, la matinée avance et nous sommes de plus en plus nombreux à contempler ces vieilles pierres. Trop nombreux. Alors nous enfourchons nos bolides pour reprendre la direction du Nord vers le Baray oriental. C’est l’un des plus gros réservoirs du site. Il faut s’imaginer un réservoir artificiel de plus de 7 kilomètres de long, dont les digues ont nécessité plus de 8 millions de mètres cube de remblai. Il fut érigé à la fin du Xème siècle, quelques 950 années avant l’invention de la pelleteuse.
Selon toute vraisemblance, ce sont ces réservoirs qui ont permis l’émergence des cités d’Angkor, en irriguant les cultures qui nourrissaient l’ensemble de la population, anormalement concentrée pour l’époque. En grande partie comblé par les alluvions ramenés par plusieurs siècles de mousson, il ne reste aujourd’hui qu’un fond d’eau dans lequel les paysans amènent les buffles se baigner aux heures les plus chaudes de la journée. Des petites sentes ludiques permettent d’en faire le tour à vélo.
Directement à l’Ouest de ce bassin, on trouve le temple Preah Khan un peu plus modeste que les autres. Et pour cause, il servit de demeure provisoire au roi Jayavarman VII pendant la construction d’Angkor Thom, reconverti par la suite en temple une fois le monarque relogé. Ici aussi, le temple a été laissé tel qu’il fut redécouvert, en grande partie colonisé par les arbres, avec de nombreux blocs de pierre effondrés au sol, et c’est du plus bel effet.
L’après midi commence à toucher à sa fin, il nous faut commencer à prendre la direction de Siem Reap pour ramener nos vélos. On repasse par les temples qui nous ont les plus marqués, notamment Ta Prohm et ses constructions recouvertes de racines exubérantes. En fin d’après-midi, le site est presque désert. Le soleil rasant filtre à travers la canopée et illumine les vestiges d’une douce lumière feutrée.
De nouveau, on se reprend à flâner dans le site, s’imaginant découvrir une cité perdue ensevelie sous quelques siècles de jungle. Parfait pour clore en beauté cette incursion dans le passé de l’empire Khmer. On fera quelques dernières visites au temples Sud avant de rejoindre la rivière de Siem Reap à la tombée de la nuit. On sort les frontales du sac pour retourner jusqu’en ville en suivant la rivière, des étoiles plein les yeux.
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