Durée : 19 jours
Distance : 681 km
Dénivelé + 5 800 m
Dénivelé – 7 200
Massif : Cordillère des Andes – Bolivie
Point de départ : Uyuni – Bolivie
Coordonnées du point de départ : -20.4643°N, -66.8255°E
Certains disent que les aventures les plus dures font les meilleurs souvenirs. Ces 3 semaines à sillonner le Sud-Ouest de la Bolivie à vélo en tractant notre malle-motoculteur ont clairement été parmi les plus physiques de notre périple jusque là, mais sans conteste parmi les plus mémorables.
La Bolivie est riche par la diversité de ses paysages. De superficie bien plus grande que la France, elle est coupée en deux par la Cordière qui la traverse. La partie Est est tropicale avec ses forêts denses et luxuriantes, l’Ouest est quant à lui très arides avec ses déserts de sel et volcans.
La province du Lipez n’est pas franchement propice à la rando. L’isolement, les longues distances et le manque d’eau pourraient rendre l’expérience compliquée… Le seul moyen de s’immerger dans la région sans être motorisé reste le vélo. La traversée du salar est sans doute la partie la plus invraisemblable et unique en son genre, mais les paysages volcaniques du sud et les lacs du Sud-Lipez valent l’effort supplémentaire.
Les paysages incroyablement beau et austères, le vent, le manque d’eau, les nuits glaciales et les pistes clairement pas pensées pour le cyclotourisme resteront des moments hors du temps dans nos mémoires. En clair : on en a chié, mais ça en valait la peine.
TimeLapse
Itinéraire complet
Uyuni
Distance : 213 km
Dénivelé + 1 980 m
Dénivelé – 1 960 m
Après une nuit dans une auberge de la ville d’Uyuni, on vérifie et complète le stock de pièces de rechange et on se met en route.
Il faut savoir (on ne l’apprendra malheureusement que plus tard) que le village d’Uyuni est le dernier point où il est possible de retirer de l’argent avant Calama ou San Pedro de Atacama au Chili. Remplissez y bien vos portefeuilles pour éviter ce qui nous arriva …
Deuxième chose à savoir (heureusement cette fois ci on l’avait appris quelques jours avant), le sol du salar est très dur et il n’y a AUCUN caillou sur une bonne centaine de kilomètres à la ronde. Si vous prévoyez d’y planter la tente il faut impérativement avoir de quoi enfoncer les sardines, à défaut d’un marteau pensez à vous choisir un beau caillou avant de vous rendre dans le salar.
Pour nos derniers kilomètres de goudron on commence avec un petit vent de face et un faux plat montant, de quoi se mettre bien dans le bain.
On file en direction du hameau de Colchani, au Nord, d’où part la piste principale qui mène au salar.
Les premiers tours de pédale sur le salar sont inoubliables. Sur-exités, on roule dans tous les sens. Sous les roues on peut sentir les aspérités du sel et le crépitement des cristaux. Le soleil ne va pas tarder à se coucher. On plantera pour la première fois notre tente sur un tapis de sel. Effectivement, heureusement qu’on avait pris un caillou avec nous…
L’apéro devant le coucher de soleil sur l’immense vide blanc du salar, avec ou sans cacahuètes, c’est quelque chose…
La nuit a été calme et fraîche, -10° au lever du soleil mais peu de vent. Le soleil se lève tôt et se couche tôt donc nous aussi. Le programme de la journée : 70 kilomètres de plat blanc pour se rapprocher du Volcan Tunupa qui culmine à plus de 1500 m au dessus du salar. On voit déjà le volcan, mais il dépasse à peine du salar pour l’instant. Ce sera notre seul point de repère de la journée, plus ou moins perdus dans le grand blanc.
Pour ceux qui comme nous n’ont aucune idée de ce que représente 10 000 km^2 , c’est à peu de chose près la superficie de l’Ile-de-France, vide, plat et blanc. On s’est longtemps demandé d’où venait tout ce sel (on est environ à 4 000m d’altitude) on aura la réponse 3 jours plus tard en descendant du Volcan. Le salar est l’un des points les plus bas de l’Altiplano, lorsque la Cordière des Andes a poussé elle a emporté avec elle un immense lac salé qui s’est évaporé jusqu’à ne laisser que quelques croûtes de sel par endroit (Uyuni n’est pas le seul).
On pédale plusieurs heures face au volcan qui n’a pas l’air de se rapprocher d’un centimètre. On se demandait combien de temps il était possible de rouler les yeux fermés avant de se rendre compte qu’il y a finalement quelque chose à éviter dans le salar : les « ojos de agua ». Par endroit la croute du salar est ouverte sur des colonnes de plusieurs mètres de profondeur et laisse entrevoir les couches inférieures du désert. Le tout est rempli d’eau et évidemment non potable.
Après plusieurs heures, le volcan commence enfin à prendre forme. L’idée de passer la nuit au pied du volcan s’est vite révélée un peu ambitieuse. Suivant la composition du sol ça roule plus ou moins bien. A quelques très rares endroits la couche est vraiment fine, et ce n’est que du bonheur. Les parties de forme hexagonales ne sont pas mal non plus bien que ça secoue un peu, mais la majorité du salar est recouverte de petites aspérités hétérogènes qui nous ralentissent beaucoup, donc par moment on suivra les traces de 4×4. Certains conducteurs viendront à notre rencontre et nous proposeront de l’eau et quelques friandises, et ce régulièrement pendant les trois semaines qui viendront.
On pose le camp pour notre deuxième nuit dans le salar dans une zone parsemé de plateformes de quelques mètres de diamètre, parfaitement lisses. On ne sait pas pourquoi elles sont là mais ça fait de beaux emplacements de tente. Après avoir parcouru 60km aujourd’hui, on est heureux de ne pas galèrer à trouver un spot.
Deuxième soirée sur le salar, deuxième apéro, deuxième coucher de soleil invraisemblable, deuxième nuit fraîche, deuxième lever de soleil exeptionnel.
On se met ensuite en route en direction du volcan qui n’est maintenant plus qu’à une dizaine de kilomètres. La périphérie qui sépare le salar de « l’île de Tunupa » est recouvert d’une fine pellicule d’eau qui reflète le volcan et les quelques nuages qui sont apparus. Quelques flamands ont élu domicile aux abords de cette île à l’échelle du salar.
On décide d’aller faire un tour en haut, il est possible de laisser les vélos un ou deux jours dans une auberge du hameau de Coqueza (derrière le terrain de sport à l’entrée du village).
On vous avait déjà raconté l’ascension du volcan dans cet article – http://world-wild-camp.com/volcan-tunupa – , mais on vous en remet quand même un petit aperçu.
L’ascension est possible en un ou deux jours, mais les points de bivouac ne sont pas nombreux. On trouvera le nôtre à quelques centaines de mètres au Nord de la trace, sur un point de vue, avant d’attaquer le gros de la montée. On se répète un peu mais le coucher de soleil sera particulièrement incroyable ce soir là…
La nuit sera très ventée, la montée du lendemain aussi. L’ascension sur des pierriers pas toujours très stables est assez laborieuse, l’altitude se fait bien sentir, mais on finit par y arriver, et ça valait vraiment le détour et l’effort. De là haut on prend conscience de l’immensité du salar, qui s’étend à perte de vue. Le cône volcanique multicolore ne gâche pas non plus le paysage…
On récupère nos vélos après avoir partagé une bière avec le dueno de l’auberge et on repart dans le salar pour y passer la nuit, au pied du volcan.
Aujourd’hui on met le cap sur une autre île, plus petite : Incahuasi. Normalement on devrait y arriver en une journée. Au fur et à mesure qu’on s’éloigne du volcan il se fait prendre dans un nuage de plus en plus noir, il en ressortira quelques heures plus tard complètement blanchi de neige. Heureusement qu’on y est allés la veille…
En fin d’après midi, on arrive au niveau de l’île Incahuasi, surnommée à juste titre l’île aux cactus. Plusieurs milliers de cactus se sont échoués sur cette petite île constituée de coraux fossilisés de quelques centaines de m2 en plein milieu du désert, rajoutant une couche de sur-réel à l’irréel du salar. C’est très touristique (beaucoup plus que Tunupa d’où l’on revient), mais c’est très beau.
Le coucher de soleil derrière les cactus sera encore une fois incroyable… Cette fois ci promis, c’est vraiment le plus beau qu’on ait eu de nos quelques jours sur le salar. Étonnamment, il y a deux familles qui y vivent à l’année. N’ayant rien, même pas d’eau potable, ils se sont visiblement liés avec les chauffeurs de bus pour leur ramener des vivres régulièrement. On demande alors leur permission pour aller planter la tente là haut. On passera la nuit au sommet de l’île pas franchement à l’abri du vent qui s’est bien levé.
On se fait réveiller par les premiers touristes arrivés en 4×4, prêt pour admirer le lever du soleil, alors on se prépare vite fait un petit café chaud pour être nous aussi prêt pour le spectacle. Mais rien ne se passe, la couverture nuageuse qui s’est formée sur le salar empêche le soleil de passer. D’après les habitants de l’île (ils sont une petite dizaine), le vent risque de s’intensifier au fur et à mesure de la journée. On regagne nos vélos et on repart en direction du Sud.
Pour l’instant le vent est principalement latéral, mais un peu de dos. En tenant la veste tendue avec le bon angle, on arrive à maintenir la vitesse sans pédaler. Si on avait su ce qui nous attendait plus loin on en aurait encore plus profité.
Les habitants de l’île avaient raison, le vent est devenu franchement violent. On se rapproche de la sortie Sud du salar, direction Chuvica. Ce qui nous oblige à changer d’azimut d’à peine quelques degrés, en direction du vent. Au début s’est compliqué, ça devient vite infaisable. On tient à peine debout, hors de question d’espérer pouvoir planter la tente. On est à peine à un kilomètre de petites montagnes qui bordent le salar. On va devoir essayer de les rejoindre pour y trouver refuge.
Le vent s’énerve de plus en plus, maintenant même pousser les vélos devient une épreuve physique. On avait rarement été à bout de force à ce point, mais la tempête nous interdit les pauses, et on a vraiment intérêt à trouver un refuge avant la chute libre des températures qui accompagne les couchers de soleil.
Avec une énergie sortie de nulle part on arrive au bord du salar, sous les montagnes. Bonne surprise, au tout ridicule village de Chuvica, il y a une petite maison, qui vend des empanadas !! Inutile de dire qu’on s’y est arrêté un petit moment…
Il nous reste encore une petite heure avant le coucher de soleil, on en profite pour visiter une petite grotte de corail sur le bord de la route (Caverna Del Infierno).
L’intérieur est tapissé de coraux fossilisés, travaillés comme de la dentelles, encore un vestige du lac. C’est très beau, mais ce qui frappe le plus c’est l’absence de vent qui fait un bien fou au cerveau après l’après midi qu’on a eu. Pour une raison encore inexpliquée, on n’a pas eu l’idée de demander la permission de dormir à l’intérieur.
On repart donc à la recherche d’un endroit pour passer la nuit le long des montagnes qui nous abrite relativement du chaos ambiant. On viendra s’échouer au fond d’une bassine sableuse quelques minutes avant le coucher de soleil. On est pas si abrités que ça, la tente encaisse de sacré coups de vents, mais c’est trop tard pour bouger. On espère qu’elle tiendra le coup.
Uyuni - Alota
Distance : 129 km
Dénivelé + 1 265 m
Dénivelé – 1 117 m
On se réveille avec un goût de sable entre les dents. On en a de partout, nez, bouche et oreilles n’ont pas été épargnés. Vraiment désagréable. Il a fallu se lever plusieurs fois pour remettre et consolider les ancrages de la tente, et visiblement ça aura été fatal à l’une des deux fermetures éclair de la tente. Il y a toujours beaucoup de vent, mais c’est moins pire que la veille.
On plie et on part. A ce moment là on a encore comme idée de passer par le col Hitocajon pour redescendre côté Chilien sur San Pedro de Atacama. On a déjà croisé quelques chauffeurs qui nous ont dit que tout le Sud du Lipez est paralysé par la neige, mais on fait encore semblant de ne rien savoir. On ne perd pas espoir. On descend donc Sud-Ouest direction San Juan où on devait pouvoir se ravitailler. Ça souffle encore pas mal, mais à peu près dans la bonne direction pour nous.
On arrive prés de Colcha-K, un petit village coincé dans un fond de vallée. Moyennant un petit détour de quelques minutes on devrait pouvoir s’offrir un repas. A force d’errance dans le village, on finit chez une habitante qui nous propose deux repas pour 20 bolivianos (3€). On n’hésite pas longtemps.
La reprise n’est pas facile, ça faisait un moment qu’on avait pas aussi bien mangé (du riz et des œufs au plat… ) On continue plein Sud. On devrait arriver à San Juan ce soir, avec l’idée de se payer le luxe d’une nuit en dur et d’une douche chaude. On arrive en fin d’après midi au niveau d’un ancien village en ruine. Une seule maison faite de briques, toutes les autres semblent faites uniquement de pisé. En explorant un peu les alentours on trouve également quelques grottes dans une petite falaise, dont certaines sont aménagées avec des murets de pierre. Il est assez tard, on a aucune envie de rouler après le coucher de soleil. La nuit en auberge sera pour demain, on s’installe à l’entrée de la grotte/maison pour la nuit.
On s’autorise une petite grasse mat jusqu’à 8h. San Juan n’est qu’à quelques kilomètres, pas de pression. On récupère nos bolides qu’on avait garé dans un enclos de lamas et c’est parti pour une petite étape tout en douceur. On rejoint la piste qui nous mène au village. On y arrive en milieu de journée, il y a plus de lamas que d’habitants dans les rues. La carte bancaire ne nous sera d’aucune utilité ici. Il nous reste encore de l’argent, mais il faut commencer à économiser. On ajuste les courses en fonction du prix, moins de thon et plus de pain…
On s’installe ensuite à l’auberge construite de brique de sel. Il y en a beaucoup des comme ça. L’état de nos finances ne nous permet pas de prendre la demi-pension. On cuisinera des œufs brouillés à la popotte dans la chambre, et puis c’est toujours ça de gagné en température. A l’intérieur, après le coucher de soleil on est en doudoune et on a froid aux mains. La douche chaude qu’on s’était gardé pour le dernier moment avant d’aller se coucher s’avère finalement glaciale. Il fait environ 5°C dans la chambre et la température de l’eau n’en est pas loin identique. Peut être que ce sera mieux demain.
Le lendemain matin, toutes les canalisations de l’auberge sont gelées. Plus une goutte d’eau, que ce soit chaude ou froide. Les propriétaires attendent patiemment que ça dégèle. « Asi es »
On espère qu’on trouvera un distributeur à Alota, dernier gros village avant les déserts volcaniques du Sud-Lipez. Pour relier San Juan à Alota, le plus court est de prendre plein sud, en passant par le col après San Augustin . Ce n’est pas forcément la solution la plus simple, ll faut traverser successivement un petit salar assez mou, quelques kilomètres de piste très sableuse et une très longue montée assez raide par endroits. On envisagera quelques fois de faire demi tour.
La roue droite de la charrette commence à ne plus tourner très droit, au point d’éclater un pneu dans la partie sableuse. Heureusement, on avait prévu ça dans le lot de rechange. Même avec une paire de pneus neufs ça ne tourne toujours pas rond. Un des roulements de l’axe des roues semble ne pas apprécier le trio sel / sable / poussière. On n’a pas vraiment d’autre solution que de faire comme si on avait rien vu et continuer à rouler en espérant que ça tienne bon…
Les portions les plus sableuses sont épuisantes et légèrement démoralisantes. On est obligés de pousser à deux pour passer avec la remorque. On passera la nuit vers le début de la montée. On espère qu’avec le relief le sol va se durcir sinon ça paraît compromis…
Le lendemain effectivement le terrain est globalement bien meilleur, mais c’est pas pour autant qu’on avance plus vite… La montée est assez rude jusqu’au village de San Augustin, et pire après. On s’arrête donc un moment au village pour s’ouvrir une de nos dernières conserves de thon. On demande aux villageois où on pourrait acheter du pain, visiblement il n’y a pas de boulangerie officielle, on tape de porte en porte pour trouver enfin une épicerie qui aura encore quelques boules de pain frais et des œufs. On s’en rachète un peu et on continue la montée.
Ça monte correctement ! Vu tout ce qu’on a déjà passé hors de question de faire demi tour maintenant : on avance lentement, mais on avance. Notre persévérance finit par payer. Quelques heures plus tard nous voilà au col, juste avant la tombée de la nuit. Une fois abrité du vent par les crêtes qu’on vient de passer, on se trouve vite un spot pour la tente avant de commencer la descente.
Au programme de la matinée, descente !! En plus la piste est bien meilleure que la veille. En revanche la remorque nous inquiète de plus en plus, au moindre virage, la roue malade tangue. On espère pouvoir au moins arriver à Alota pour regarder ça de plus près, et trouver des outils.
Après la descente on arrive au fond d’une vallée où coule un ruisseau (c’est assez rare pour être souligné), encore gelé de la nuit. Une petite pelouse borde la piste, l’endroit est incroyablement paisible en comparaison de tout ce que l’on a vu jusque là, c’est un bel oasis.
Quelques centaines de mètres plus loin on croise quelques maisons de fermiers. 4 villageois sont en train de dépecer deux lamas. On s’arrête quelques instants et leur demandons si on peut en avoir un morceau. La somme de 20 Bolivianos (3€, une fortune pour nous à ce moment) suffira pour une bonne pièce. On remet les voiles direction Alota. On récupère quelques rares branches mortes sur la route pour être sûr d’avoir de quoi cuire notre steak. L’état de la charrette continue de se dégrader à vue d’œil.
On arrive finalement à Alota, dernier point de ravitaillement. On commençait à s’en douter ; pas de distributeur. On dépensera nos dernières pièces plus tard, pour l’instant il faut trouver des outils. On nous dit que le mécano du village habite la maison au portail rouge… Personne. A force de demander partout, on apprend que le mécano est malade, donc on cherche la maison du médecin…
Gros coup de bol, on tombe sur lui qui sort de chez le médecin. On lui explique notre problème et il nous dit de le suivre chez lui. Il sort la boîte à outil dont on rêve depuis quelques jours et nous démonte le roulement qui pose problème. Il ne reste plus que deux billes à l’intérieur. Évidement il n’a pas de roulement équivalent et nous apprend qu’on aurait pu s’en procurer à San Juan..si seulement on avait su. Il va falloir faire avec les moyens du bord. Il nous dit de l’attendre et part fouiller son atelier. Il ressort quelques minutes plus tard avec deux pièces en main, l’air sceptique. L’idée serait de ne garder que la bague extérieure du roulement et replacer la partie bague intérieure + roulement par une bille de métal directement montée serrée sur l’axe de la roue. La plus grosse des deux pièces pourrait aller. De toute façon on n’a pas vraiment le choix, donc on essaye. Les dimensions correspondent plutôt bien, ça tourne à peu près droit. Reste à savoir pour combien de temps…
En discutant avec les villageois on apprend que le col avec la Bolivie est encore fermé, les 4×4 qui on tenté de passer ont fait demi tour bien avant le col à cause de la neige. Cette fois ci c’est sûr, il faudra repasser par le col d’Ollague pour rejoindre le Chili. Changement de cap, on part vers l’Est.
A quelques centaines de mètres après la sortie du village on trouve quelques ruines qui nous abriteront du vent pour la nuit. On installe la tente rapidement et on se met à la préparation de notre festin. Il y a pas mal de graisse à enlever, mais on finit par avoir deux beaux filets. On avait encore jamais goûté à la viande de lama, c’est excellent. Le goût est assez prononcé et unique. Pour donner une idée c’est quelque part entre le bœuf et l’agneau avec une consistance proche de celle du porc (on prend pas trop de risques)… En tout cas c’est vraiment bon, encore plus quand on a faim et qu’on a pas mangé de viande depuis trois semaines.
Alota - Hedionda
Distance : 75 km
Dénivelé + 1 082 m
Dénivelé – 786 m
Le lendemain on aura le droit à une inspection du camp par un troupeau de lamas, intrigués par la remorque. On repart vers l’Ouest. La piste est assez bonne, mais ça monte toute la journée.
En fin d’après midi on arrive dans la vallée de las piedras, des colonnes de pierre ocre sortent du sol sur plusieurs mètres de hauteur sur des kilomètres à la ronde et prennent des formes plus ou moins conventionnelles. Ça nous fera un très bon abri pour la nuit.
La route par Ollague est plus courte que celle par Hitocajon. Heureusement car on aurait manqué de vivres et d’argent… Du coup on en profite pour explorer un peu le canyon à pied avant de continuer. Par endroit les colonnes de roche font plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Une fois de plus c’est assez irréel, une fois de plus on est complément seuls.
En reprenant la route, on arrive un peu plus loin à un carrefour où l’on a le choix entre continuer tout droit pour aller au col par le chemin le plus direct ou rajouter un petit détour par la Laguna Hedionda. A priori le détour devrait rajouter une ou deux journées maximum. Ça nous permettrait d’avoir un petit aperçu du Sud Lipez. On y va. L’état de la piste se dégrade assez vite. On persévère.
Quelques kilomètres plus tard on croise un 4×4 dans l’autre sens. Il nous dit que ça va être de pire en pire… En plus de nous donner quelques conseils pour la suite de l’itinéraire, il nous offre quelques bouteilles d’eau et des biscuits apéro ! Il y aurait un camp abandonné près d’une ancienne exploitation de souffre quelques kilomètres plus loin. Vu le vent qui souffle ça pourrait être utile pour passer la nuit…
Les « quelques kilomètres » nous paraîtront durer une éternité. On commence par du sable, on enchaîne sur des blocs rocheux, quelques passages de neige, un passage à gué et une montée sableuse. Comme si ça ne suffisait pas, on commence à avoir quelques ennuis mécaniques. A force de tirer sur la charrette comme un âne, l’axe de la roue arrière du vélo s’est tordu… Ça tiendra jusqu’au camp mais ça nous inquiète un peu pour la suite…
On arrive au camp avec le coucher de soleil. On ne s’attendait pas à ça. Il y a plusieurs baraquements en dur, avec des pièces communes et… une cheminée !! En faisant le tour du camp on arrive à récupérer quelques bouts de bois, assez pour la soirée et le lendemain matin. Certains ont besoin d’une petite découpe pour rentrer dans le foyer… Tant mieux ça nous réchauffe ce petit exercice d’apprenti bûcheron. On installe les duvets à côté du feu
Ça faisait longtemps qu’on avait pas aussi bien dormi. Comble du luxe, on a même le droit à un petit feu au réveil. On arrive pas à remettre droit l’axe qu’on a tordu. On essaye de compenser par la force. On se dit que si on serre l’axe comme des brutes il restera peut être en place. Effectivement il reste en place, quelques centaines de mètres.
On échange de tige avec le second vélo, on fait quelques centaines de mètres avant de tordre le deuxième axe. Cette fois ci on a un petit extra : on a fendu le papillon de serrage de l’axe, ce qui veut dire qu’on a plus rien pour serrer la roue arrière… Cette fois ci ça commence à vraiment sentir la fin, à quelques centaines de mètres de la Laguna Hedionda.
La seule chose qui pourrait nous tirer d’affaire serait qu’un des rares 4×4 qui s’aventurent sur cette piste nous donne un écrou du bon diamètre… Peu probable, mais en y réfléchissant on n’a pas vraiment d’autre option…
Le premier 4×4 nous donnera un bout de fil de fer, sûrement histoire de se dire qu’il nous aura aidé comme il a pu, mais ça nous avance pas franchement. Le second sort de son coffre une caisse à outils pleine de pièces récupérées à droite à gauche, « on sait jamais, ça peut servir ». Après quelques minutes passées à fouiller on trouve finalement l’écrou qu’il nous fallait ! Histoire de ne pas forcer de nouveau sur la tige (les deux sont déjà tordues) cette fois ci on attache directement la remorque au cadre du vélo. C’est moins maniable mais au moins cette fois ci ça tient, reste à voir pour combien de temps. On se remet en route en direction de la Laguna Hedionda, qu’on commence à apercevoir quelques minutes après.
On rencontre vite les habitants du lac. Plusieurs centaines de flamands roses se sont installés ici et rendent le tableau encore plus incroyable.
On s’installe au bord du lac. Il y a une lodge pas très loin où l’on va dépenser nos dernières pièces dans un sandwich aux œufs. Visiblement ils servent un buffet au petit déjeuner. On a plus d’argent et peu de nourriture. En leur expliquant notre situation on leur demande si on pourrait profiter des restes laissés par les touristes rassasiés. Non seulement ils approuvent, mais ils nous proposent de venir le soir même, « au cas où il nous reste quelque chose ».
Le soir même ce ne sont pas des restes mais un plat préparé qui nous attend à notre arrivée. D’abord gênés, on finit par engloutir le poulet en papillote (en forme de flamand rose) qui nous a été préparé. En partant la cuisinière nous rappelle de venir le lendemain matin après le petit déjeuner des clients de la lodge.
Le lendemain on rationne notre ration déjà rationnée de porridge, avant d’aller prendre notre second petit dej à la lodge. Encore une fois ce ne sont pas des fonds d’assiette qui nous attendent mais un vrai petit déjeuner avec jus de fruit, beurre, confiture, pain et salade de fruit. Sans trop savoir comment les remercier on est à la fois un peu gênés et très impressionnés par cette générosité. Ça va sans dire, on fera honneur à tout ce qui nous sera servi…
Vu l’énergie qu’on a passé à atteindre cet endroit, on s’autorise un jour de pause. On laisse de côté la charrette et on part explorer les alentours, légers ! La piste continue plus au Sud, mais d’après ce qu’on nous a dit la neige n’est pas loin. Du coup on sort de la piste pour essayer de boucler un tour de lac. En essayant de s’approcher d’un peu trop près du lac on s’enfonce dans une espèce de boue collante, encore pire que la neige.
On arrive à la tente en fin d’après midi, après une journée assez éprouvante pour une journée de repos. Le soir on aura le droit à une parade de flamands roses : serrés en rang d’oignons, ils trépignent dans tous les sens en gardant la tête le plus haut possible. Probablement un témoin de virilité chez les flamands… Le soir et le lendemain matin, même scénario que la veille à la lodge.
Hedionda - Calama
Distance : 264 km
Dénivelé + 1 453 m
Dénivelé – 3 320 m
On partira sans pouvoir laisser autre chose que quelques Bolivianos de pourboire et une invitation à venir séjourner chez nous en cas d’un hypothétique séjour en France.
Cette fois ci ça y est, on a vraiment plus le moindre centime en poche. On repart en direction du col d’Ollague quelques centaines de kilomètres à l’Ouest.
Avant de rejoindre la piste principale il faudra traverser encore quelques zones sableuses et deux montées bien rocheuses. Deux ou trois 4×4 s’arrêteront pour nous proposer des ravitaillements et se prendre en selfie avec nous. Ça fait à la fois un peu bête de foire et star du show-biz. Ça nous fait surtout bien rigoler et on aura le droit encore à quelques bouteilles d’eau et des friandises sans demander. Apparemment dans le désert, les Boliviens savent être solidaires.
On finit enfin par arriver sur la piste principale plus lisse, ça fait un bien fou, aux cuisses et au cerveau. C’est cette même piste qui nous mènera à la frontière Chilienne. Pour l’instant il commence à se faire tard : il va falloir qu’on se trouve un abri pour la nuit, une fois de plus il y a trop de vent pour s’installer n’importe où. Plus inquiétant : la remorque recommence à tourner bizarrement.
On a sûrement déjà du bien rogner la bille de métal qui remplace la partie intérieure du roulement, et bien sûr, la clé à pipe du diamètre de l’écrou de serrage de la roue est le seul élément qui manque à notre kit d’outillage. Il faut régulièrement arrêter des voitures pour emprunter une clé et occasionnellement remplacer les millimètres de matière mangée par des rondelles trouvées par terre. Ça frotte de plus en plus mais si on veut que ça continue à rouler on n’a pas vraiment le choix… On se trouve un pare-vent rocheux pour la nuit, quelque part au milieu du plateau volcanique qui sépare la Bolivie du Chili.
Le lendemain, descente vers la frontière. Avec la roue malade impossible d’aller vite, mais c’est pas plus mal : ça fait durer les descentes. Sur la route on croise une autruche, ça nous rappelle qu’on a faim. Normalement on devrait arriver à Calama d’ici trois jours, ça devrait le faire.
Le passage de la douane se fait sans encombre. La première du nom de Avaroa côté Bolivie est désertique, celle du Chili ressemble plus à un village. On peut d’ailleurs trouver du WiFi dans le village d’Ollague (près du bâtiment en forme de tatou) . On en profite pour dire aux familles qu’on est encore vivants, et on continue vers le Sud en direction des deux salars de Carcote et de Ascotan.
On a un sacré vent de face, mais on est enfin sur du goudron ! Du coup on ose pas trop se plaindre ; on baisse la tête et on avance. En arrivant sur le salar on croise quelques vigognes, un des rares animaux du coin. Ils ressemblent de loin à des lamas avec le poil plus court couleur caramel et sont à la fois curieux et farouches ce qui les rend très drôles à observer.
La roue tourne de moins en moins bien et le vent est de plus en plus fort, à tel point qu’on doit ce soir encore chercher un abris pour passer la nuit, impossible de planter la tente.
Le problème, c’est que sur un salar, les abris sont plutôt rares. On ne désespère pas, on continue. Quelques kilomètres plus loin, alors qu’on commençait un peu à désespérer, on trouve quelques wagons de transport de minerai, stationnés sur une voie secondaire qui borde une voie ferrée que l’on pense abandonnée aussi.
À défaut de trouver mieux on s’installe dans un wagon vide. Ça nous abrite bien du vent qui est devenu assez féroce. La nuit tombe, les températures aussi. On ne tarde pas à filer dans les duvets. On se fera réveiller au milieu de la nuit par un train transportant d’énormes cuves qui passera sur la voie d’à côté dans un vacarme apocalyptique, à deux mètres à peine de notre lit.
Si on l’avait choisi délibérément on aurait regretté notre nuit dans le wagon. Un deuxième train passe dans une fumée noire digne des films de western. Au levé de soleil il fait encore -16. Et dormir dans une boite en métal quand il fait ce genre de température ce n’est pas franchement une bonne idée… C’est probablement la nuit la plus froide qu’on ait eu jusque là. On est complètement frigorifiés.
On allume un feu qui fera plus de fumée que de chaleur, mais c’est toujours ça. Une voiture de police s’arrête sur le bord de la route à quelques dizaines de mètres, mais ils ne sortent pas. Tant mieux car on est repassés côté chilien et les carabinieros ne plaisantent pas ici… Soit ils ont trop froid pour se risquer dehors, soit ils ont pitié de nous, toujours est il qu’ils nous laissent brûler les restes de la station ferroviaire sans nous poser de problème.
On repart pour le col Fronterizo Ascotan qu’on devrait atteindre ce soir. Avant l’ultime montée de notre séjour, on passe par un dernier salar. Comme pour conclure notre séjour sur l’Altiplano, le salar d’Ascotan nous offre un condensé de ce que l’on a vu qu’alors : flamands, vigognes, du sel et des volcans. On profite un moment du spectacle avant de longer le salar.
On commence la montée au col en fin d’après midi. Quasi à court d’eau, on arrête le premier camion qui passe, qui nous lâche un bidon de 6L d’eau complet. Il n’est pas tôt et ça monte franchement. Il n’en faudra pas plus pour qu’on s’arrête pour planter la tente à mi-chemin …
On trouve un abri en face du volcan Araral, avec une vue surplombant le salar. Les ombres s’allongent dessus avant de nous engloutir pour notre dernière nuit sur l’Altiplano.
Le lendemain on se lance sur la dernière portion de la montée qui avait eu raison de nous la veille.
Non loin du col, le bruit de l’eau attire notre attention. On pose les vélos et on va voir ça de plus près. On en croit pas nos yeux, une vanne de canalisation d’eau industrielle crache une eau entre 35 et 40° (il température ambiante à peut être à peine dépassé les 0°…). L’eau est cristalline, inodore. Il nous faudra peu de temps pour enlever tous nos habits et prendre la douche chaude tant rêvée depuis 3 semaines. Il y en avait franchement besoin… Ce qui au début ressemblait à une petite flaque d’eau sous la vanne ressemble une heure après à une vraie marre. Après plusieurs passages de camionneurs amusés à la vue de notre douche improvisée et sans complexe, il était temps de reprendre la route. Pas facile de s’extirper de là…
Arrivés au col d’Ascotan on arrête un motard pour un resserrage de roue avant de commencer la descente en direction de Calama. Alors que ça fait plusieurs jours qu’on répète le même manège, il nous donnera une petite pince qui nous permettra enfin d’être autonome pour resserrer la roue quand il le faut, de plus en plus souvent… C’est parti pour quelques dizaines de kilomètres de descente, histoire de finir en douceur.
Au fur et à mesure qu’on descend, les volcans s’éloignent derrière nous et laissent place à un désert encore plus aride, mais surtout plus chaud. C’est plus le vent que la température qui joue contre nous. Il est à peu près face à nous, et de plus en plus fort. De nouveau, pédaler face au vent devient presque impossible, la remorque tourne de moins en moins bien, aucun abri pour s’arrêter, on est à court de provisions et d’argent, et il reste encore une Xaine de kilomètres pour Calama.
On veut garder un bon souvenir de cette expérience, donc on décide de solliciter un coup de pouce motorisé pour les derniers kilomètres, pas forcément les plus intéressants. On se fera prendre en stop par un pick-up courageux de nous embarquer avec tout notre attirail jusqu’à Calama.
L’arrivée en ville marque la fin de notre périple. Ces trois semaines auront été une expérience inoubliable, marquées de belles rencontres, de paysages incroyables et d’étranges bestioles.
6 Comments
Eh ben… Sacrée ballade en vélo ! Presque comme dans le grand parc de Miribel ! 🙂
Ce sel et ces grandes étendues… Magnifique terrain de jeu pour la photo. Plus que réussies comme toujours.
Et très beau récit…
Merci Bathou !
En effet ça ne vaut pas le parc de Miribel mais on fait avec ce qu’on a…
J en ai mal aux cuisses rien qu en lisant 😊
Carrément sport cette partie …
Alors c’est que le récit était fidèle… :S
Effectivement ce n’était pas très roulant comme terrain !
Vous êtes vraiment incroyables! (incroyable aussi que des humains puissent habiter ces contrées qui vues d’ici me paraissent aussi hostiles que belles!). Votre optimisme est à toute épreuve. Vous savez vous débrouiller pour que tout roule toujours pour vous!!!
Photos magnifiques et récit passionnant. Voyager permet de constater que la solidarité existe et…..ça fait grand bien….mais combien de kilos avez-vous perdu pendant ces trois semaines?
Je vous embrasse fort.
Merci pour ton petit mot,
On a pas pesé la différence en poids mais on a perdu quelques tailles de pantalon…
A bientôt !