Durée : 4 jours
Distance : 19.9 km
Dénivelé : 1 700 m
Point de départ : Fagasa road
Coordonnées du point de départ : -14.2838°N, -170.7129°E
Petite île perdue dans l’Océan Pacifique, Tutuila vaut doublement le détour. D’une part parce que c’est le seul point de départ pour le paradis tropical secret d’Ofu, mais l’île en elle-même offre de belles possibilités de rando, allant de la piste en terre balisée à l’enfer végétal hors sentier. En regardant une carte de l’île, la traversée par les arêtes du Pic Matafao au Mont Alava est prometteuse.
Video
Itinéraire complet
Mont Matafao
Distance : 4.2 km
Dénivelé + 515 m
Dénivelé – 515m

Fraîchement débarqués sur les Samoa américaines après 8h dans un petit rafiot rouillé à la merci de la houle du pacifique, la météo ne nous laissera aucun répit. Dernier jour de beau temps avant une semaine de pluie donc on n’a pas vraiment le temps de s’installer.
En faisant quelques recherches sur la possibilité de monter sur le sommet de l’île, le seul résultat est un commentaire Tripadvisor (pas franchement une référence niveau rando) de deux personnes qui ont fait l’ascension il y a une dizaine d’années, donc à priori, c’est faisable…
Vu d’en bas, ça a quand même l’air bien escarpé. On ne prend donc pas de quoi passer la nuit là haut, juste un sac pour la journée rempli principalement d’eau.
On accède par les fameux bus samoan au point de départ théorique (trajet Pago Pago – Fagasa, quelques bus par jour, pas d’horaires…) Les bus se sont les mêmes que dans les Western Samoa et ça vaut vraiment le coup d’y monter. L’avant est du type gros pick-up américain, découpé au niveau du pare-brise pour venir y ajuster derrière le reste du bus, construit en bois en mode charrette.
Le départ du sentier se trouve au niveau du col. Le chemin pour le Mont Alava est au Nord de la route, très visible et bien indiqué, mais celui qu’on cherche est beaucoup moins évident. Au Sud de la route, on devine les premiers barreaux d’une vieille échelle rouillée engloutie dans la végétation. Visiblement personne n’est monté là haut depuis un bon moment. Ça se confirme sur les premiers mètres de la rando : aucune trace visible, tout a été enseveli par la végétation. Notre petite sortie risque de tourner court…
Tant qu’on est là on cherche, et à force de chercher on finit par trouver un départ de sente quelques mètres plus haut. Le tapis de lierre vorace des premiers mètres se transforme en forêt, rendant la chose plus facile. Les premiers stigmates du cyclone Gita ne tardent pas à se montrer. Beaucoup d’arbres sont tombés, dont certains très gros qui ont emporté des pans entiers de forêt comme des châteaux de cartes. Ça rajoute un effort considérable pour arriver à passer dessous, dessus ou entre les branches mais ça reste faisable.


On finit par arriver sur le début de l’arête où l’on perd le peu de sente qu’on suivait. On tournera un bon moment avant de trouver le passage : il faudra ramper sous un arbre puis escalader le tas de branche qui suit pour retrouver la trace de la sente. Et ce n’est que le début des galères. D’ici au sommet, la sente reste sur l’arête, difficile de se perdre donc, mais difficile également d’avancer… Le cyclone a tombé la majorité des arbres de l’arête donc on doit se débattre dans une épaisseur de branches de plusieurs mètres de haut.
Par moments, on arrive à tenir au dessus en lévitation, parfois on s’enfonce jusqu’à la taille, voire plus. Il faut avoir de la suite dans les idées (ou être complètement stupide, au choix) pour arriver à passer la centaine de mètres d’arête dans ces conditions.
Ça s’améliore un peu juste avant la partie raide, en sortant de la forêt. Il y a même quelques cordes fixes sur les parties délicates, mais mieux vaut ne pas trop compter dessus vu l’absence d’entretien évident de la trace.
Après deux ou trois passages raides et glissants on arrive au sommet, en même temps qu’il se fait prendre dans les nuages. Ca devrait être passager, ça devrait se découvrir rapidement. Quelques minutes plus tard, les premières gouttes tombent, suivies de près par un déluge tropical. On essaye donc de s’abriter de la pluie sous un paréo qu’on avait mis dans le sac pour se protéger du soleil.
Verdict : Un paréo ne protège pas d’une pluie tropicale.




On est trempés jusqu’aux os et l’heure commence à tourner, si ça ne se calme pas rapidement il faudra redescendre sous la pluie. Finalement la pluie cesse et on aura enfin le droit à notre première vue sur la baie de Pago qu’on était venu chercher là-haut. On commence ensuite la descente sans trop attendre : on a mis beaucoup plus de temps que prévu pour la montée et la tombée du jour se rapproche. Il recommence à pleuvoir, mais on n’est plus dans la catégorie averse tropicale cette fois ci et puis de toute façon plus rien n’est sec.




On arrive à passer la principale zone de difficulté avant la nuit, qui nous attrape une fois de retour sur la partie la plus « facile ». On a pris une frontale, « au cas où », mais on aurait mieux fait d’en prendre deux… La visibilité ne dépasse pas les deux mètres, si on n’avait pas tracé l’aller au GPS on serait peut être encore là-haut. On paume la trace à peine quelques dizaines de fois, le GPS à la main… On arrivera même à tourner en rond dans cette jungle alors qu’on pensait aller tout droit. Quand on réalise qu’on est « déjà passé par là ?! » en pleine nuit, dans une jungle épaisse avec une frontale pour deux, c’est presque angoissant.
On se reprend en main et on finira par retrouver la sente qu’on essaiera de suivre de notre mieux sans quitter le GPS des yeux plus de 30 secondes. Perdre la trace prend une fraction de seconde, et la retrouver une éternité. On progresse donc très lentement.
Deux heures plus tard, on se rapproche, mais on n’est pas tirés d’affaire. A cause d’une erreur de manip, on n’avait pas tracé la première partie de la montée. On ne peut donc plus compter que sur les quelques rubans espacés et la sente pour nous ramener à bon port. On ralentit encore.
Quelques heures plus tard, dans une nuit noire, on devine enfin les lumières du réverbère qui éclaire la route de laquelle on est partis.
On redescend l’échelle qui marque la fin de l’épopée, fatigués, mais soulagés d’en être revenus ! Ça fait longtemps qu’il n’y a plus de bus, il ne nous reste plus qu’à attendre qu’une voiture passe.
Mt Alava J1
Distance : 6 km
Dénivelé + 527 m
Dénivelé – 259 m
Même point de départ que pour le Mont Matafao, mais de l’autre côté de la route. Incomparablement plus facile que la rando précédente, la montée au Mont Alava se fait par une piste forestière bien maintenue. Si vous voulez éviter la partie route forestière, il est possible de faire une boucle depuis le village de Vatia. Ce sentier étant fermé suite aux dégâts du cyclone, on préfère ne l’emprunter que pour la descente, en faisant une traversée complète de l’arête.

Donc on part du même endroit que la veille, direction Mont Alava. Ça contraste vraiment avec ce qu’on a fait la veille, mais il faut avouer, ça fait quand même du bien. La piste monte régulièrement le long de l’arête, dans une forêt humide, beaucoup moins étouffante que la jungle du Mont Matafao. Les vues dégagées sont assez rares, mais il y a quand même quelques petites fenêtres sur la côte Nord de l’île.
On arrive au Mont Alava assez vite, et on y trouvera une petite plate-forme herbeuse non loin du sommet.

Le sommet en lui même est occupé par diverses constructions plus ou moins abandonnées : une arrivée de téléphérique, complètement à l’abandon depuis qu’un avion s’est emmêlé les ailes dans les câbles, une antenne relais qui a l’air de fonctionner encore, et une Fale encore debout, datant probablement de l’époque du téléphérique.




Une fois de plus, on se fait cueillir par la pluie quelques minutes après notre arrivée au sommet. On file sous la Fale pour se mettre à l’abri, on sort le pic nique, puis le jeu de cartes.
La pluie finira par s’arrêter, on en profite pour monter la tente, puis ça repart gentiment. Entre deux ondées on aura quand même le droit à quelques belles couleurs de coucher de soleil., des vols de chauves-souris et de -White Tailed Tropic bird-.



Mont Alava j2
Distance : 9.7 km
Dénivelé + 590 m
Dénivelé – 650 m
Il a continué de pleuvoir par intermittence pendant la nuit, mais ce matin la météo est plutôt engageante. Pourvu que ça dure…
On profite encore de la vue sur la baie de Pago Pago qui s’étend aux pieds du Matafao. On remballe le camp et on repart sur l’arête. On passe le panneau qui indique que le sentier est fermé à cause de l’ouragan en prenant soin de ne pas le voir, puis on se retrouve sur la petite sente qui suit le fil d’arête. Plus rien à voir avec la piste forestière par laquelle on est montés. On est sur un petit sentier étroit, effectivement recouvert d’arbres morts par endroit. Ça reste quand même faisable, incomparablement plus faisable que la montée au Matafao.









Sur les parties raides le sentier est équipé d’échelles et cordes. Le tout ayant plutôt bien résisté au cyclone. En tout cas la sente est magnifique, c’est le juste équilibre entre la jungle inextricable de l’avant veille et la piste forestière de la veille.
Donc on suit l’arête jusqu’au bout (il est possible de descendre un peu plus tôt directement sur le village de Vatia), puis on finit par être bien obligés de redescendre en direction de la côte.



A mesure qu’on perd en altitude, la végétation se transforme. Les arbres deviennent plus grands, plus massifs, et la végétation sous la canopée moins dense, privée de lumière. On devine au travers des branches l’île de Pola : une arête saillante qui dépasse de l’océan en face du village de Vatia. On ira voir ça d’un peu plus près par la suite…
La fin de la descente jusqu’à la route se fait sans encombre, le chemin a été dégagé de ses branches mortes depuis le bas, donc on finit en mode balade.




Arrivés en bas, il y a deux petites randos à faire de part et d’autre de la petite péninsule, qui permettent de s’approcher de l’île de Pola. L’île est comme une immense arête dorsale qui dépasse de l’océan. Large d’une ou deux dizaines de mètres à peine, longue de presque un kilomètre et haute d’une bonne centaine de mètre, ses mensurations lui donne une silhouette mystique.
La première « randonnée » consiste à marcher une petite centaine de mètres après la fin du village pour arriver sur une petite plage rocheuse juste devant l’île, au Sud-Est des falaises de la péninsule.


Le bruit des rochers de plusieurs dizaines de kilos remués par les vagues nous passera l’envie de se baigner. On profite de la vue un petit moment puis on rebrousse chemin en direction du sentier qui permet de passer de l’autre côté de la péninsule. Le départ se fait derrière l’école du village. Après quelques lacets dans la forêt on arrive assez vite au col, puis on bascule sur l’autre versant. La descente est assez raide mais bien équipée, toujours avec le même type d’échelle que celles qui équipent la partie Est du Mont Alava, mais cette fois ci beaucoup plus petites. C’est pas plus mal…



De l’autre côté on arrive sur une longue plage rocheuse, une fois de plus rentrer dans l’eau semble délicat vu la taille des rochers que les vagues chahutent comme du sable. En revanche il est possible de remonter la plage en direction de l’île Pola, jusqu’à arriver presque à ses pieds. Vous aurez des chances de voir des Phatheon lepturus, ou White Tailed Tropic bird en anglais (ça sonne quand même mieux…) les jeunes volent souvent à deux, en faisant des piqués vertigineux. On resterait bien quelques heures à les regarder voler, mais ça serait dommage de rater le coucher de soleil de l’autre côté de la colline.

On rebrousse chemin et on s’installe de l’autre côté du village, avec l’accord des habitants (nécessaire de partout sur les Samoa, la totalité des terres étant privées, y compris les parcs nationaux qui paient un loyer aux locaux).
On a apprit lors de nos précédents bivouacs qu’il vaut mieux privilégier la moustiquaire à la tente sur les Samoa, faute à la chaleur et l’humidité permanente. On lisse le tapis de corail mort qu’on recouvre de quelques feuilles tropicales (bien grosses et charnues) , on installe la moustiquaire et une petite bache par dessus, au cas où, puis on profite du coucher de soleil juste entre les deux collines d’en face.

On essuie une fabuleuse averse tropicale au milieu de la nuit. Un torrent coule de notre bache et nous éclabousse copieusement. On finira complètement trempés, en essayant tant bien que mal de protéger l’électronique alors que les sacs étanches semblent avoir oublié qu’ils n’étaient pas supposés laisser passer l’eau.
La journée du lendemain sera plus couverte, et il nous faut retourner vers l’aéroport pour attraper le coucou à hélice qui doit nous amener sur l’île d’Ofu : encore plus petite, encore plus perdue.

Comment
Vous êtes fous les « petits »! mais quelles belles photos!