Après 10 jours passés dans la région d’El Chalten nous n’avions aucune envie de partir… On s’était dit qu’on essaierait de rester quelques jours à un endroit pendant le voyage en travaillant en échange du couvert, mais nous n’avons trouvé aucune annonce sur la plateforme workaway dans le coin.
Cherchant un moyen de rallonger notre séjour à El Chalten on s’était donc mis en tête de trouver une Estancia pour proposer notre aide. Lors d’un repas dans notre panaderia fétiche, on s’est rendu compte que la personne de la table voisine avait une veste avec l’inscription : Estancia los Huemules, réserva natural. Du coup on tente notre chance, et on lui demande s’il peut avoir besoin de notre aide pendant quelques jours.
Alvaro nous répond qu’il travaille sur la construction d’un refuge de montagne actuellement en pause faute de main d’oeuvre. On prend ses coordonnées, et on décide deux jours plus tard de monter au refuge voir si on peut aider.
On fait du stop sous la pluie jusqu’à l’estancia. Arrivés à l’accueil de la structure, Alvaro est absent, on nous demande de revenir le lendemain. On plante la tente clandestinement quelques centaines de mètres plus loin (toujours sous la pluie)
Au réveil (il pleut toujours) on retourne à l’accueil. Cette fois ci, avec l’accord d’Alvaro, on nous dit de monter jusqu’au refuge pour l’attendre là haut. On monte donc par le sentier le plus direct sous la pluie (qui commence à bien mouiller).
Arrivés au refuge, on est accueilli à bras ouvert par Mariano, le cuisto / gardien / seul occupant du refuge. Une fois passé le sas d’entrée on arrive dans la pièce à vivre du refuge. Splendide !
De grandes baies vitrées donnent sur le Lago del Diablo et sur le glaciar Cagliero, et apportent à la pièce une luminosité que nous n’avions jamais vu dans un refuge de montagne.
Après avoir posé nos affaires mouillées et s’être changés, Mariano nous propose un repas et fait chauffer de l’eau pour… la douche ! Comble du luxe, le refuge dispose d’un système de chauffage au bois pour l’eau, le fameux thermotank. D’après Mariano, Alvaro devrait venir le lendemain pour nous montrer les travaux qu’on peut faire. On en profite pour faire un aller-retour au glacier Cagliero par la rive gauche du lac, jusqu’à une arche de glace qui se jette dans le lac.
Le lendemain, comme prévu Alvaro arrive et on fait un premier tour ensemble du refuge pour voir les travaux qui seraient à notre portée.
On commencera par du rangement : une quantité impressionnante de matériaux de construction avait été entreposée sous le refuge. Notre premier boulot à donc été de les sortir, les trier, re-dimensionner les chutes d’ OSB à la tronçonneuse, puis les entreposer à l’abri du vent dans la forêt quelques dizaines de mètres plus loin. Cette tâche nous occupera pendant quelques jours à temps partiel, entre la transformation des troncs en bûche et la confection du pain.
On descendra ensuite avec Alvaro les chutes inutilisables en Polaris : une espèce de voiturette de golf 4X4 utilisée pour le transport des matériaux durant la construction du refuge et son ravitaillement.
Dans l’après midi nous aurons le droit à notre première rencontre avec le renard du quartier, qui passe à quelques mètres du refuge. C’est un habitué des lieux, Alvaro et Mariano le connaissent déjà bien et ne semble pas étonné par son passage. Il prend la pose quelques minutes avant de repartir.
Le lendemain, grand beau !
Alvaro nous propose donc une journée de repos. Le refuge est tout neuf, il n’y a donc aucun sentier autour. Une de nos missions consiste à explorer les possibilités de chemins aux alentours du refuge. On va essayer de monter au sommet en face : Loma Del Diablo. Il faut donc trouver un accès jusqu’ au sommet, prendre quelques photos pour donner une idée de la difficulté et enregistrer une trace GPS. Alvaro compte embaucher quelqu’un pour réaliser et rendre pratiquable le sentier aux prochains randonneurs.
Après 5h de rando, nous redescendons au refuge avec un sac rempli de murtillas (ou « Ugni molinae » d’après Wikipédia…). Le refuge est vide, Alvaro et Mariano sont descendus à l’estancia. On en profite pour se remettre au travail. Quelques coups de tronçonneuses par ci par là, quatre pains et une tarte de murtillas au fourneau.
Tout prends du temps ici. Même pour se faire un café il faut compter une heure… le temps de faire le feu dans la cuisinière à bois et faire chauffer l’eau, mais on s y fait plutôt bien. Tranquilo… On se sent bien ici.
Le soir Alvaro et Mariano reviennent de la ville. On déguste la tarte. Pas mauvaise pour une première.
Le lendemain on se remet au travail avec Alvaro. Il faut réaliser un rangement pour stocker le bois sous l’escalier. L’objectif est de concilier fonctionnel et esthétique. Alvaro aime son refuge, il est donc exigeant. D’autres agencements intérieurs sont à prévoir. Ça tombe bien…. Il n’arrête pas de pleuvoir dehors.
On confectionne avec Alvaro un buffet sous l’ouverture entre la cuisine et le séjour, qui devrait servir entre autre à présenter le petit déjeuner. Le matériau de construction de base est le Lenga, l’arbre emblématique de Patagonie. C’est celui là qui donnera de magnifiques couleurs d’ici quelques semaines. L’un des ouvriers était un as de la tronçonneuse. Toutes les poutres et planches ont été façonnées à la « motosciera », et pour avoir manié un peu l’engin, faire une découpe droite sur plusieurs mètres n’est pas donné à tout le monde…
Le soir on aura le droit à notre dessert favori : le vigilante (« flic » en espagnol, car ce serait le dessert favori des flics argentins…). Du fromage frais accompagné avec de la pâte de coing ou de patate douce.
Alvaro doit s’absenter quelques jours. Il nous donne les instructions pour la suite. On continue le débarrassage sous le refuge, on coupe du bois pour la cuisinière.
Encore une journée de beau temps. On décide avec Mariano d’aller explorer jusqu’ à la grande cascade non loin du refuge (après le maté matinal…). On continue à prendre des photos et enregistrer le tracé gpx pour les prochains sentiers.
On décide de crapahuter un peu plus haut pour voir s’il y a un passage qui permettrait de franchir le col. Cela permettrait de basculer dans la vallée de l’autre côté où des sentiers existent déjà.
Une paroi nous arrête. C est faisable… mais pas sans matos.
On ira pas plus loin.
Sur le retour on trouve des Vesses-de-loup. Ici ils les appellent « Pedo de Vieja » : pet de vieille… Tellement plus parlant ! On en ramasse quelques uns qui finiront en omelette.
L’après midi on se remet au travail. Pendant que l’un confectionne des bancs avec les chutes de tronc, l’autre fait un peu de béton pour finir le seuil de porte. La porte d’entrée n’a pas de poignée. Un morceau de Lenga et quelques coups de scie et ça fera l’affaire…
En fin d après midi, trois personnes arrivent au refuge. Ce sont des guides embauchés par le propriétaire de la vallée d’à côté. Lui et Alvaro veulent réaliser un sentier reliant les refuges Cagliero et Condor. Ils sont également équipés pour aller explorer le glacier Cagliero afin de trouver un moyen de rendre des expéditions possibles sur la partie la plus fermée du glacier. L’accès paraît impossible par la rive gauche du lac. Hors de question pour eux d’ouvrir des expéditions commerciales si l’accès ne peut pas être sécurisé.
Le soir c’est festif. Alvaro rentre au refuge avec deux autres connaissances.
On est nombreux à table. Le vin facilite les échanges en espagnol plataniste, du moins c’est l’impression que ça donne…
Le lendemain matin Alvaro repart. Les trois guides tentent l’accès par la rive droite du lac. Ils reviennent pour le déjeuner satisfait d’avoir trouvé un accès. Il y a un passage délicat où il faut grimper mais ça leur parait faisable.
Le soir arrive. Ca sera le dernier où nous sommes tous les quatre à table. On décide de partir demain. Déjà 10 jours se sont écoulés. On est bien, mais il faut songer à avancer.
Le lendemain Mariano nous accompagne pour notre départ.
Après le moment des adieux, on décide de tenter nous aussi le passage jusqu’ au glacier Cagliero. L’itinéraire jusqu’à la partie delicate est très facile. Nous arrivons devant le petit pas d’escalade, finalement rien de bien méchant. La roche est sèche et assez saine. Derrière, le reste de la montée est facile.
Il est temps de redescendre. Alvaro a descendu nos sacs à dos en Polaris et il ne faudrait pas que l’on arrive après la fermeture de l’accueil de l’estancia.
Pour le chemin du retour, nous suivons les conseils d’Alavaro et passons par le Lago Verde et le Lago Azul. Le sentier dans les bois est magique. La vue depuis les lacs vaut largement le petit détour. Si vous êtes de passage à El Chalten, on recommande chaudement !
On récupère nos sacs et on se pointe sur la piste pour faire du stop. La deuxième voiture qui passe nous embarque en direction d’El Chalten. Il est temps de partir vers le nord. On a repéré un itinéraire potentiel d’une dizaine de jours juste derrière la frontière qui devrait être sympa…
6 Comments
Salut à vous deux, je vois que vous profiter pleinement de vos journées. Ça fait plaisir de vous lire, et de voir votre périple se remplir de nouvelles rencontres aussi agréables. Nouvelle expérience de partage, qui m’a l’air très réussie. Continuez comme ça, à écrire vos ressentis sur les différents lieux. Vous êtes source de motivation pour nos prochains voyages.
A bientôt les bûcherons…
Anas
Superbe expérience, c’est vraiment incroyable ce que vous vivez, et ces paysages!!! C’est à couper le souffle! Merci de partager et de nous offrir ces bouffées d’oxygène, aussi virtuelles soient elles !
J’ai eu bien du plaisir à passer un moment avec vous. Alex, tu sembles manier avec un art égal la tronçonneuse et ….le rouleau à pâtisserie! Quelle femme! Mais, une omelette avec « des pets de vieille »!!!!
La façon dont vous avez entreposé le bois entre les arbres est superbe, on dirait une sculpture.
Enfin vous n’étiez pas tous les deux seuls sous votre tente, sous la pluie!!! Un bonheur de vous voir vivre ces moments de partage dans ce refuge qui me semble aussi confortable que….perdu!
Et encore et toujours de bien belles photos qui me ravissent.
A bientôt pour vos nouvelles aventures. Je vous embrasse.
Merci Bernadette. Effectivement, le refuge est bien perdu, mais splendide !
Et pour les pets de vieille, ce n’est probablement pas le meilleur champignon qui soit mais c’est le seul qu’on sache reconnaître avec certitude, donc on s’y fait…
Alex y Tom son dos aventureros de Francia que guardan una tradición de novela a lo Julio Verne a lo Saint Exupery con su actitud es muy difícil « diré » casi imposible que no logren lo que mas desean; en todas sus acciones hay mesura, hay interrogantes de como hacerlo mejor, aunque tarden mas tiempo, un poco mas digamos, hay juventud en su accionar y madurez en la temperatura de sus decisiones, hay practicidad estética y belleza funcional: raro equilibrio No? Son amigables y son buenos en la montaña y en la cocina y en la ebanisteria y en el diseño y en la increible fortaleza de Alexandra, será muy bueno abrazarlos en algún futuro. Se los extrañara « Allez les bleus »
Ola Mariano !
Muchas gracias por tu comentario, y suerte para tu instalación en Buenos Aires !
Que le vaya bien !