Durée : 11 jours
Distance : 53.7 km
Dénivelé : 6 600 m
Massif : Annapurna – Népal
Point de départ : Tatopani
Coordonnées du point de départ : [28.4963°N ; 83.6546°E]
Au plus près des faces sud des Annapurna, cet itinéraire explore une longue arête hors sentier, en balcon des sommets mythiques de la région.
Les pentes Sud-Ouest du massif regorgent de petits itinéraires peu fréquentés. La topographie du terrain offre la possibilité de s’acclimater en douceur pour ceux qui souhaitent s’engager ensuite au Nord des Annapurna par le col de Thorong-La ou du Tilicho. Ce parcours varie entre forêt de rhododendrons, champs en terrasse et arêtes rocailleuses. La tente permet de s’affranchir de l’itinéraire classique pour s’avancer au plus près du cœur du massif. Après une dizaine de jours de marche, une pause détente dans les sources chaudes de Jhinu vient clôturer la sortie en beauté.
On peut rejoindre l’itinéraire depuis Tatopani ou Ghandruk. Des navettes régulières depuis Pokhara desservent ces deux villages. En mars, il peut rester une bonne couche de neige au-dessus de 4 000, mais impossible de trouver de pelle à neige à Pokhara. L’ustensile est pourtant indispensable pour camper dans la neige, donc on achète une pèle de chantier qu’on ampute de quelques grammes à grand coups de disqueuse chez le garagiste du coin avant d’embarquer dans le bus pour Tatopani.
Video
Itinéraire complet
Tatopani - Kopra Danda
Durée : 2 jours
Distance : 11.1 km
Dénivelé + 2 850 m
Dénivelé – 505 m
Le nom du village, Tatopani, signifie Eau Chaude en Népalais. Le bus nous dépose sur le bord de la route, devant les bassins en contre-bas du village. L’endroit est très fréquenté, pas spécialement beau, mais un Dahl Bat et un bain chaud avant de se mettre en route sont bienvenus. Un guide revenu de Jomsom nous apprend qu’au Nord, le col Thorong La vient de fermer à la suite d’une avalanche emportant un guide et son client. Le camp de base des Annapurna est également fermé, toujours à cause du risque avalanche. On a bien fait de différer de quelques semaines notre excursion au Nord du massif…
Quelques centaines de mètres plus bas dans la vallée, on traverse un premier pont suspendu au-dessus de la rivière Kali Gandaki puis on progresse en suivant la piste qui mène au village de Podwar. Arrivant en dessous des premières pentes sous Kopra Danda, une petite sente permet d’éviter les lacets de la piste et prend vite de l’altitude. Au fur et à mesure qu’on s’élève, on traverse des terrasses laissées à l’abandon, certainement depuis quelques années. Ça fera très bien l’affaire pour poser la tente.
Le lendemain, on croise une famille en plein chantier de construction. Pour l’instant, les soubassements et quelques murs en pierre laissent imaginer une belle petite maison avec une vue sur toute la vallée. Plus loin, l’eau commence déjà à manquer. Quelques maisons en ruine devant une fontaine asséchée confirment qu’il va faire soif avant d’atteindre la neige. A la sortie de la forêt, on tombe sur un petit groupe de randonneurs visiblement un peu perdus. La sente est minime, parfois difficile à suivre, ils sont surpris de nous voir débarquer.
On leur montre la position sur le téléphone, le GPS c’est tricher diront les puristes, mais c’est redoutablement efficace. Alors qu’ils s’apprêtent à reprendre la descente, ils nous offriront un fond de gourde. Ce n’est franchement pas de refus.
On installe la tente sur le premier monticule de l’arête. D’ici on aperçoit le refuge de Kopra Danda. Pendant que l’un va remplir les gourdes, l’autre se dépêche de monter la tente avant le déluge. On prendra notre soupe aux vermicelles sous les premières gouttes, laissant rapidement la place aux flocons.
Kopra Danda - Keware Danda
Durée : 3 jours
Distance : 9.7 km
Dénivelé + 2 270 m
Dénivelé – 217 m
Au matin, le brouillard dans lequel est plongé la tente ne motive pas à sortir le nez. Peu à peu les nuages se lèvent pour nous laisser entrevoir le Dhaulagiri et la chaîne des Annapurna. Le Fang et l’Annapurna Sud se dressent en remparts infranchissables. L’ouverture ne sera que de très courte durée, il faudra plier la tente sous des rafales de vent et le retour de la neige.
La fumée qui s’échappe du refuge voisin nous incite à y trouver refuge. Ça tombe bien, à l’odeur qui règne dans la salle, on comprend que le cuisinier vient de terminer de préparer le Dhal Bat. On englouti rapidement la première assiette et comme le veut la tradition, un second service est effectué, accompagné d’un thé Masala … Finalement on n’est pas si mal ici. Dehors la tempête est féroce. A chaque ouverture de la porte, des bourrasques se jettent à l’intérieur. Les éclairs tombent proche du refuge, aux plus gros coups de tonnerre, des étincelles sortent des branchements électriques et la lumière vacille… Malgré l’atmosphère électrique, l’ambiance est détendue et chaleureuse, les propriétaires de la lodge ne semblent pas étonnés des gerbes d’étincelle au milieu de la pièce. Tant mieux.
On profite d’une accalmie pour reprendre notre route et continuer à avancer sur la crète. La neige glacée battue par le vent nous fouette les joues. On ne tarde pas à devoir poser le camp. Le vent est sévère et la visibilité nulle. On passera la nuit à replanter les sardines et à se dégager de la neige qui s’infiltre dans la tente.
Le lendemain le ciel bleu a repris le dessus. La suite du parcours est assez facile. On progresse assez vite sur une neige dure, mais la longueur de l’arête nous poussera à passer une autre nuit sur le fil. Si la bonne portance de la neige soufflée nous permet d’avancer à un bon rythme, il faut faire gaffe aux grosses corniches sur l’arête qui ne demandent qu’à envoyer le premier venu quelques centaines de mètres plus bas.
Plus loin, quelques passages de grimpe facile nous permettent de gagner encore en altitude jusqu’à un petit sommet. On y trouve un spot de tente royal.
La vue est impressionnante. Le Dhaulagiri, l’Annapurna Sud et le Fang nous accompagnent depuis quelques jours, mais un invité d’honneur s’est ajouté au tableau. La queue de poisson du fameux Machhapuchhare se dresse vers le ciel. Le sommet est mythique, sacré pour les Indouistes, l’ascension en a été interdite par le gouvernement Népalais. Une seule expédition a été autorisé en 1957 à condition de s’arrêter sous le sommet pour le garder vierge de toute empreinte humaine et ne pas offenser les dieux qui y règnent.
Keware Danda – Muldai View Point
Durée : 2 jours
Distance : 10 km
Dénivelé + 645 m
Dénivelé – 1 690 m
Le vent est tombé, le soleil chauffe. Depuis notre promontoire, les températures sont douces. On y est bien, du coup on s’offre une journée de repos et une deuxième nuit abritée derrière les murs de neige rehaussés. Une journée au-dessus des nuages, hors du temps. Hormis une petite mission pour remplir les gourdes d’eau de fonte un peu plus bas, on ne fait pas grand-chose d’autre que profiter, et c’est pas mal comme ça.
Le lendemain, le mauvais temps est de retour. S’il avait fait encore beau, on aurait pu essayer d’explorer l’arête de Keware Danda qui nous aurait rapproché encore un peu plus de l’Annapurna Sud, mais on plie tout pour redescendre dans le brouillard en contrebas de l’arête. Difficile de savoir par où passer, sur nos cartes papier, l’itinéraire en pointiller fait un détour comme pour éviter une barre et il n’y a aucun tracé sur les fonds de carte GPS. On essaye de suivre au plus près les cartes papiers en quittant l’arête pour aller s’enfoncer dans les congères des reliefs plus doux.
En arrivant sous le col, une petite éclaircie nous permet d’entrevoir l’itinéraire réalisé depuis le sommet. Aucune barre en vue. A priori nul besoin de quitter l’arrête, on aurait très bien pu prendre au plus court. Le temps se dégrade vite. Le vent devient particulièrement violent, la visibilité toujours aussi mauvaise, on décide de ne pas s’aventurer plus loin. On pose la tente sous un orage de grêle. Abrités des bourrasques par l’effet de crête, on s’emmitoufle dans nos sacs de plume.
D’un coup, la lumière devient orange fluo. On se précipite dehors. Sous l’épaisse barre de nuage, le soleil perse pour quelques minutes avant de disparaitre derrière l’horizon. La glace nous fouette le visage et le vent nous couche au sol, mais le spectacle est incroyable. Quelques minutes auront suffi à faire remonter le moral des troupes. La pénombre s’installe, les températures sont en chute libre et le vent n’améliore pas les choses, alors on se replonge vite dans les duvets.
Après une nuit plus calme que prévue, on repart sur le fil de l’arête hors sentier, il n’y a ni tracé sur nos GPS ni sur les cartes papier. Pourtant, une sente très peu marquée nous indique que nous ne sommes pas les premiers à être passés par ici. Le terrain n’est pas particulièrement difficile. Un seul passage un peu plus délicat nous force à nous aventurer dans des pentes raides assez instables, mais au fur et à mesure de la descente, le terrain s’adoucit et le fil d’arête laisse place à un relief plus mou.
On aperçoit le refuge de Dharamdanda alors qu’il commence à pleuvoir. Une fois de plus, l’odeur du feu nous invite à aller voir ce qu’il s’y passe. A l’intérieur un petit groupe de randonneurs finit le déjeuner. On commande deux Dahl Bat qui font plaisir après trois jours dans la neige. L’averse passée, on se remet en route sur le sentier officiel en direction du Muldai View Point, que l’on quitte juste après le col pour traverser une fôret en direction du petit sommet. On essaye de faire au plus vite pour arriver en haut avant que la nuit tombe.
Quand on sort de la fôret, un nuage invraisemblable se forme au-dessus de nos têtes. A deux reprises il explose en créant deux couronnes qui s’étalent progressivement autour de la colonne qui continue de monter. Derrière lui, la tempête approche. On plante la tente avec les premiers grêlons et le retour d’un vent à décorner les yaks. Le spot est assez exposé mais on sera aux premières loges pour le lever de soleil.
Muldai – Ghandruk
Durée : 3 jours
Distance : 25.8 km
Dénivelé + 1 845 m
Dénivelé – 4 040 m
Le lendemain, les nuages ont disparu. Un ensemble de petites collines pellées offre un point de vue où quelques bancs ont été installés. On prend place pour un petit dej tout confort alors que le soleil sort du Machapuchare, illuminant le Dhaulagiri vers l’ouest. Droit devant nous l’Annapurna Sud, le Hiunchuli et le Machapuchare soufflent la neige fraîche tombée pendant la nuit. D’autres randonneurs viennent profiter du spectacle. Alors qu’on partage le thé avec deux compères qu’on avait rencontrés la veille, un groupe s’attarde autour de notre bivouac et certains prennent la pose devant la tente.
Il est encore tôt quand on passe devant la première lodge du hameau de Dobato. Impossible de résister à l’appel d’un Tibetan Bread. Dans la sale à manger, l’ambiance est soignée et chaleureuse, le poêle est au centre de la pièce et tout le monde est en chaussette. De grandes vitres offrent une vue imprenable sur le Machapuchare. On y restera finalement une bonne heure.
On ne s’est pas fixé d’objectif particulier à la journée, comme d’habitude d’ailleurs, mais le fait d’avoir regagné le sentier principal nous fait avancer bien vite. Aujourd’hui encore, de gros nuages arrivent en milieu de journée. On avale la distance sur un sentier facile sous la pluie, au travers d’une forêt de rhododendrons. Plus bas, un petit détour permet d’arriver au Paradise Lodge où la pluie froide nous pousse à passer la nuit à l’intérieur. Après la douche chaude, on regagne la pièce commune dans des habits secs pour s’attabler devant deux Dhal Bat.
Le lendemain, Guswana et son petit frère -6 ans à eux deux- nous accueillent sous le soleil. Un peu timides dans un premier temps, ils finissent par s’amuser de notre matos original de touristes, et nous tiendront compagnie un moment. On prend notre Tibetan Bread au soleil. L’endroit est magnifique et le jardin particulièrement soigné, les propriétaires nous suggèrent de revenir au printemps pendant la saison des fleurs. Finalement on sera resté une bonne partie de la journée… histoire de profiter encore un peu, on s’offre un dernier Dhal Bat avant de reprendre la route.
On n’est pas pressés. L’objectif de la journée est de descendre au fond de la vallée pour regagner les sources d’eau chaude de Jhinu. Un long pont suspendu au-dessus de la rivière Modi permet d’accéder au village en terrasse. Bien qu’il soit sur l’itinéraire principal pour le camp de base des Annapurna, le village est plutôt calme à cette heure. En arrivant au fond de la vallée, touristes et népalais se prélassent dans l’eau chaude des deux bassins aménagés au milieu de la forêt près du torrent. On se joint vite au petit groupe.
A la tombée de la nuit, on remonte planter notre tente un peu plus haut dans la forêt avant de retourner aux bassins. Cette fois on y est seuls, sous les étoiles. L’eau avoisine les 40 degrés alors que la fraicheur humide de la nuit s’installe autour. Plusieurs heures plus tard, un groupe de népalais nous rejoint, surpris de nous voir déjà dans l’eau. On aura eu notre dose pour la journée, alors on leur laisse le bassin pour remonter dans la tente.
Le lendemain, pas question de repartir d’ici avant un dernier bain, de nouveau seuls dans l’eau chaude. Le soleil n’a pas encore atteint le fond de la vallée encaissée. Seuls les grondements du torrent rompent le silence. Après avoir trouvé la force de se tirer hors de l’eau, on s’arrête à la terrasse de la première lodge du village, le ventre vide. On prend le temps, on fait sécher la tente et on savoure ce dernier Tibetan bread de l’itinéraire.
On longe la vallée par l’itinéraire classique du camp de base des Annapurna où l’on croise en quelques heures plus de randonneurs que les dix jours précédents. On arrive sur une piste carrossable au village de Siwai où l’on compte monter dans le prochain bus. Finalement, on partagera une Jeep avec d’autres randonneurs jusqu’à Pokhara pour profiter d’une ou deux nuit en dur avant de partir sur l’itinéraire du Tilicho où des paquets de neige nous attendent…
2 Comments
Ca y est, pour vous suivre dans votre récit j’ai ressorti mon bonnet! Photos magnifiques, magiques…le nuage en cercle est vraiment drôle! C’est très agréable de voir quelques autochtones Mais comment avez-vous pu coucher sous la tente par de telles températures???? Dans l’eau chaude, je comprends! Enfin, je ne suis pas du même monde que vous…même si j’apprécie particulièrement les couchers de soleil. Après ça, comment vivre le confinement? Je vous embrasse et vous remercie.
Merci Tribouline !
Parfait pour le bonnet, c’est que l’article a fait son effet.
Promis les prochains seront (un peu) plus tempéré, mais on garde l’option source chaude.
Pour le confinement, on a encore quelques années de retard pour traiter tout ce qu’on a ramené dans les disques dur… Alors on a de quoi s’occuper !
A bientôt