Durée : 20-30 jours
Distance : 101 km
Dénivelé+ 19 200 m
Massif : Everest – Nepal
Point de départ : Taksindu, Khumbu
Coordonnées du point de départ : 27.5923°N, 86.61747°E
Véritable épopée himalayenne, cet itinéraire traverse trois vallées majeures au pied des géants de glace marquant la frontière entre le Népal et le Tibet.
Il faut compter entre deux et quatre semaines suivant les points de départ/arrivée, les variantes et les petits sommets en extra. La version classique des 3 cols se fait souvent en lodge, mais la tente offre le luxe de pouvoir s’arrêter où l’on veut, et ce ne sont pas les spots de bivouac qui manquent.
La dimension des montagnes et la densité des sommets à plus de 7 000 dépassent l’entendement. Les vallées prennent des journées à remonter, les moraines des heures à traverser et les hauts sommets une éternité à contempler.
Video
Itinéraire complet
Taksindu - Namche
Distance : 26 km
Dénivelé + 4 925 m
Dénivelé – 4 510 m
Le point d’arrivée classique des bus ou Jeeps venant de Kathmandu est Salleri (ou Phaplu). De là, les plus solides commenceront à marcher. On prendra une autre Jeep jusqu’à Taksindu, environ 1 000 mètres plus haut. Première variante : plutôt que de descendre sur Jubing puis Lukla dans la vallée suivante, on commence suivre le chemin qui part en direction du Numbur, puis on le quitte assez vite pour une toute petite sente magique qui mène à Namche en 5 jours, ou l’on ne croisera absolument personne.
La sente est assez facile à suivre, elle commence par monter sur une arête jusqu’à un petit sommet. Un brouillard nous englouti sur l’arête où on pose la tente. Malgré quelques éclaircies matinales de courte durée, ces brumes persisteront la majeure partie des 3 premiers jours. Pas de vue sur le Jubing donc, et les brumes qui nous entourent rendent parfois la sente difficile à suivre. Une petite pluie vient accompagner le brouillard. On perd de nouveau la sente, coup de bol, juste à côté d’un énorme rock qui abrite une belle plateforme au sec. On ne se fait pas prier pour s’y arrêter.
Le lendemain on constate qu’on a bien fait de ne pas s’entêter dans la direction qu’on prenait. Le brouillard masquait une enfilade de barres rocheuses infranchissables. On se remet en route dans la bonne direction avec l’arrivée des premières brumes matinales. De nouveau il faudra être vigilent à ne pas perdre la trace. Peu après le départ, c’est la neige qui fait son entrée en scène. Arrivés au col qui doit offrir une vue imprenable sur la vallée d’en face, on décide de s’arrêter après deux heures de marche, histoire de profiter de la vue le lendemain.
Le soir même, quelques éclaircies révèlent les alentours. Première vue sur le Kyashar, magistral vu d’ici. Le lendemain, après avoir profité du ciel dégagé, on s’engouffre dans le petit goulet de l’autre côté du col. La descente est rude vu le poids des sacs (60kg répartis sur deux paires de jambes) L’objectif est de remonter ensuite en direction du camp de base du Kongde, avant de revenir sur l’itinéraire des trois cols, via une petite sente sur l’arête d’en face. Après avoir descendu 1 000 mètres et remonté autant sur le versant d’en face, on arrive sur ce qu’il reste de cette sente, devenue imperceptible.
Un ouragan a couché la moitié des arbres sur la crête, personne n’est passé par là depuis un bon moment. On va quand même essayer. Il faut passer entre, dessous ou sur les branches et les troncs morts qui semblent vouloir s’accrocher à nos sacs, beaucoup trop gros pour ce genre de terrain. Après deux heures à se débattre contre la forêt de plus en plus dense, on a progressé de 400 mètres. Il en faut plus pour nous démotiver. On continue. On se retrouve ensuite au-dessus d’une petite barre.
Impossible de passer par au-dessus en désescalade avec les gros sacs, il faudrait faire demi-tour et passer à flanc, dans une forêt accrochée à flanc de falaise sur un terrain assez instable. Il fait bientôt nuit et on ne trouve aucun endroit pour poser la tente. Cette fois ci s’en est assez, on abandonne l’idée du parcours de crête et du camp de base du Kongde. Retour en direction de la sente que l’on suivait jusque là, on pose la tente au seul endroit possible qu’on a repéré à l’aller pour redescendre le lendemain dans la vallée de Lukla, en direction du chemin officiel.
On fait une pause au premier hameau, on manque cruellement d’eau. Après quelques gorgées, un enfant passe la tête puis repart. Finalement les habitants de la maison d’à côté sortent et s’en suit une longue conversation de bribes de mots et de mimes. Ils nous expliquent qu’il nous reste entre deux et trois heures de marche pour rejoindre le fond de la vallée où l’on pourra trouver notre premier Dalh baht, principal plat traditionnel Népalais qui consiste en une assiette de riz blanc, un bol de soupe de lentilles, et quelques légumes suivant la maison et les arrivages. La coutume veut que l’hôte remplisse l’assiette en continu jusqu’à satiété de l’intéressé. Une très bonne option en randonnée donc.
On s’arrête au village de Toc-Toc où l’on se remplira la pense avant une nuit en dur. Une très belle variante de l’itinéraire classique consisterait à remonter depuis Toc-Toc sur l’arête Est du Kunde pour ensuite garder à flanc jusqu’à Thame. Cette option fait très envie sur les cartes mais fait rentrer dans le parc national sans passer le check point initial à Jumbo, et donc sans permis. Tant pis pour le petit chemin en balcon, on passera par le fond de la vallée. La montée par le chemin principal se fait entre les randonneurs, porteurs, yaks et mules, avec quelques beaux ponts suspendus.
Il existe quelques rares passages entre le Nepal et le Tibet à moins de 6 000, le col du Nangpa-La est le seul de la région, ce qui a conduit le peuple Sherpas à emprunter souvent la vallée que l’on suivra une fois sortis de l’itinéraire classique. Lorsque le col était ouvert, les marchandises étaient transportées sur des yaks ou à dos d’homme. Il est officiellement fermé car aucun poste frontière n’existe. Depuis l’invasion Chinoise du tibet de 1950 c’est un passage pour les réfugiés en route vers le Nepal. En 2006, une branche de la police chinoise (le PAP) ouvre le feu sur un groupe de réfugiés Tibétains, au pied du col.
De partout au Népal la culture du transport de matériel à dos d’homme est encore très présente, mais particulièrement dans cette région du Khumbu berceau du peuple Sherpa. Avant l’arrivée des occidentaux, le transport de marchandises était l’un des seuls moyens de gagner sa vie dans ces vallées qui ne laisse que peu de place à l’agriculture.
Pour les porteurs, la charge de mise est de 25-30 kg pour les porteurs de trek et entre 30 et 60 kg pour ceux qui approvisionnent lodges et petits magasin. Plus loin dans la vallée, la saison des expéditions touche à sa fin. Le démantèlement du camp de base de l’Everest donne à voir un triste spectacle de porteurs écrasés sous des poids jusqu’à 80-100 kg d’empilement de tentes, générateurs, ustensiles de cuisine et autres. A mettre en comparaison au poids moyen des Sherpa qui dépasse rarement les 60kg… Ça donne à réfléchir sur la consommation touristique du massif et le système qu’on alimente nous aussi à notre échelle, qui s’offre comme une solution aux Sherpas qui y sacrifient leur santé, pour assurer un revenu à une famille entière.
Les rencontres avec ces Sherpas sont toujours de grandes gifles d’humilité.
L’arrivée a Namche est pour le moins surprenante. Après plusieurs jours de marche, vous y trouvez un petit centre ville pavé et de grands édifices de pierre. On y trouve à peu près tout ce qui pourrait se trouver à Kathmandu. Cafés et restaurants se disputent la meilleure vue. Il y a aussi un mini supermarché…
Namche - Gokyo
Distance : 14 km
Dénivelé + 5 540 m
Dénivelé – 4 280 m
On arrive le lendemain au village de Thame avec en ligne de mire le Sunder Peak, un petit 5 000 assez facile qui occupe le début de la vallée. Un monastère accroché à flanc de falaise se trouve sur le chemin. L’endroit est incroyablement beau. Une petite lodge est accolée au monastère, tenue par la mère du chef spirituel du monastère : un petit garçon de 9 ans, vif et drôle, réincarnation du précédent Lama en chef. On passera la nuit là bas. La soirée ne sera pas des plus tristes. On entend le petit Lama raconter des histoires avec un débit impressionnant. Des éclats de rires sortent de la cuisine toute la soirée.
Départ à la frontale pour arriver en haut avant les nuages. Un bon chemin monte jusqu’au ¾ de l’ascension, après il faut un peu chercher par ou passer et mettre les mains mais ça passe plutôt bien, moyennant quelques zones de grimpe facile. Première vue sur les gros noms de la région : Ama Dablam, Cholatse et Tabuche. Au loin, l’Everest, le Lhotse et les Nupse dépassent largement des petits 7 000 qui les entourent.
Le passage classique se fait par le col Renjo la, mais nos cartes nous proposent une alternative plus loin dans la vallée ; le col Sundar la. Difficile d’obtenir des informations fiables sur les conditions du col mais visiblement c’est faisable sans matos de glace, et ça nous rapprocherai du fond de la vallée suivante où il y a peut-être matière à explorer. De passage à Lungden, dernier village avant la montée au col, on s’offre un pain Tibétain, sorte de galette sucrée frite, à déguster avec miel ou confiture.
On s’enfonce ensuite dans la partie la plus haute de la vallée, où s’enchaînent moraines et replats de mousse dense (à plus de 5 000m). Après un repas suivi d’une petite sieste en T-shirt au soleil, le vent se lève, suivit du brouillard, puis de la neige… On installe la tente avant le début de la partie raide de la montée au col.
Le lendemain matin on fait un petit aller retour sur un bord de falaise qui offre une vue aérienne sur la partie haute de la vallée. Le début de la montée au col se fait effectivement assez bien. C’est peu cairné mais ça passe de partout. La deuxième partie est moins évidente, il faut jongler entre moraine raide et bord de glacier. Au milieu de ces montagnes de nouveau désertes, on trouve un petit replat sableux couvert d’empreintes de félin, qui apprès recherches portent toutes les marques des traces de léopard des neiges…
Le col en lui-même se passe sur le bord du glacier. Après c’est pas gagné non plus. Il faut encore combiner des éboulis abrupts avec un glacier qui se brise dans un petit lac. Attention sur le glacier la zone de rupture n’est pas visible du dessus… Passé les difficultés, la vue s’ouvre sur le Cholatse, juste en face, la gueule du glacier béant de l’autre côté. Ça fait un bon spot pour la nuit.
La suite de la descente est assez longue mais facile. Comme bloqué par l’immense moraine dans laquelle les grands sommets plus au Nord déversent leurs glaces et leur débris, le lac Thonak Tsho marque la fin de la descente. D’ici on est à quelques heures de marche de Gokyo au Sud ou du camp de base du Cho Oyu au Nord. On choisit de remonter dans la vallée pour se rapprocher des immenses faces de glace qui marquent la frontière avec le Tibet. Le bassin du camp de base est un haut plateau ou sont nichés quelques lacs, le tout dans un immense cirque glaciaire. Le cadre invite à poser le camp pour quelques nuits.
Quitte à passer la journée dans les parages on en profite pour explorer un peu autour. On aimerait aller jusqu’au col Ouest du cirque pour récupérer la vue des deux côtés. Après deux bonnes heures de montée, on arrive au col sans obstacle. De l’autre côté, un pierrier raide permet de rejoindre la vallée de Thame d’où l’on vient, ça aurait pu passer en traversée donc. La vue du col est parmi les plus impressionnantes du parcours. Une fois là-haut, on peut facilement pousser un peu plus au Nord pour atteindre un petit caillou perché à 5 800m. La liste des haut sommets visible serait trop longue à énumérer, mais la vue est à couper le souffle.
Le souffle, justement, la journée n’en manque pas. Sur le roc du sommet on tient à peine debout, mais deux mètres en dessous, un creux dans la roche permet de profiter du soleil sans un souffle, assis. On fait péter le fromage de Yak bien installés, avec une vue invraisemblable. C’est pas l’envie de rester quelques heures de plus qui manque, mais les nuages commencent à bourgeonner autour de nous, donc demi tour jusqu’au camp de base.
Tant qu’à être ici, un autre petit sommet accessible vaut vraiment le détour : le Ngozumba Tse. On plie la tente assez tôt et on commence à descendre la vallée. Peu après, on pose les sacs et on bifurque sur la petite sente qui part à l’Ouest. La montée est soutenue mais sur un terrain facile. En haut, il n’y a pas un seul, mais trois petits sommets à quelques dizaines de mètres de distance. La vue est assez différente de celle de la veille. Il manque la vallée de Thame mais on est plus au centre du cirque glaciaire qui ferme la vallée de Gokyo dans laquelle on se trouve et on surplombe les lacs à moitié gelés du camp de base de Choyo Uyu.
Encore une fois, on attaque la descente avec l’arrivée des premiers nuages, plus matinaux que la veille. Non contents d’engloutir toute la vallée ils commencent à nous arroser, quelques centaines de mètres avant d’arriver au lac Gokyo. On s’en fout, on est de retour sur l’itinéraire standard donc ce soir on se paye une nuit en lodge ! Le choix ne manque pas, une flopée de guest-houses sont regroupés au bord du lac, dont certaines ont des allures de centre de vacances. On opte pour la plus petite, juste devant le lac. A peine les sacs posés que l’on s’englouti un Dhal-bat avec un appétit féroce.
La gérante d’une soixante d’années est vive et souriante. Certainement peu habituée de voir débarquer des randonneurs avec de si gros sacs, elle nous pose pleins de questions sur notre itinéraire. Visiblement elle connait le col par lequel on est passé et explique fièrement aux guides notre petit périple des derniers jours.
Gokyo - Lobuche
Distance : 14 km
Dénivelé + 3030 m
Dénivelé – 2610 m
Le lendemain on décolle pour le Gokyo Ri. C’est un des sommets les plus prisés du coin. Un gros sentier monte progressivement au dessus du lac d’un bleu saisissant. Une fois de plus, le petit sommet offre un panorama invraisemblable, et le lac juste en dessous ne nuit pas au spectacle. Des centaines de drapeaux diffusent leurs prières au gré du vent, et confèrent au sommet un côté mystique, en plus du reste. On attend en haut l’arrivé des premiers nuages pour parfaire le panorama avant de redescendre.
On récupère les sacs à la lodge, la proprio nous offrira un paquet de biscuits pour notre départ. Il faut ensuite traverser la vallée vers l’Est, et donc s’aventurer dans le dédale de roche et de glace de la fin du glacier Ngozumba. Cette fois ci il faut bien l’avouer on n’est pas mécontents de suivre un chemin bien marqué qui nous mènera vers la sortie de ce labyrinthe sans encombre.
On croisera 3 guides Sherpas qui redescendent de l’Everest. Les trois sont allés jusqu’au sommet. On est le 23 mai, le jour d’après l’ascension embouteillage de 2019 ou toutes les tentatives de sommet ont eu lieu la même journée. Une fois en bas, leurs clients se sont fait héliporter directement du camp de base, eux rajoutent une petite étape qu’on ferait en trois jours pour rejoindre leurs familles. On pose la tente, eux continuent à la frontale…
Après une nuit passée dans la montée, on arrive au col de Cho-La. L’itinéraire zigzague d’une vire rocheuse à une autre. Tout est très bien équipé, petites marches de pierre et câbles fixes au rdv. De l’autre côté, il faut passer sur un bout de glacier bien bouché. Comme pour le passage du Sundar-La quelques jours plus tôt, on n’évolue pas sur de la glace lisse mais sur un par terre de petits cristaux de glace, ce qui rend la chose beaucoup plus facile. Une fois en bas, on pêchera par gourmandise. On s’arrête dans une loge pour un Tibetan bread.
Après avoir fait part au propriétaire de notre envie de sortir de l’itinéraire principal pour monter au lac du camp de base de la voie Sud-Est du Lobuche (plus intéressés par la vue que le camp), il nous indique un petit raccourcit qui permet de rejoindre notre objectif pour ce soir. L’itinéraire coupe au plus court par des pentes herbeuses, puis enchaîne avec une petite arrête rocheuse. Bien qu’elle soit cairnée jusqu’en haut, il faut l’abandonner une centaine de mètres avant la fin pour prendre une petite vire aérienne comme creusée dans la falaise qui mène au lac du camp de base.
Un groupe occupe déjà les abords du lac, on se crée un petit spot tout juste de la taille de la tente une cinquantaine de mètres au dessus, avec une vue bien dégagée comme on les aime. Le lendemain, après un petit aller-retour sur une crête voisine, on cherche à redescendre de l’autre côté, au village de Lobuche. Le passage n’est pas facile à dénicher mais on finit par y arriver, un petit chemin serpente au milieu des falaises avant d’atterrir sur le plancher des yaks.
C’est devenu une habitude, on ne peut plus passer devant une lodge sans goûter ce qui sort de la cuisine. Au village Lobuche, ce sera Dhal bat. Un très bon Dhal-bat qui plus est. Pas facile de se remettre en route après le deuxième refill, heureusement on ne va pas loin. On posera la tente sur une arête une centaine de mètres au dessus du chemin qui mène à Gorak Shep.
Ça fera un bon camp de base pour les deux prochains petits sommets : Kala Patar et un autre sans nom, hors sentier donc beaucoup moins couru, mais certainement au moins aussi intéressant.
Le lendemain il fait mauvais dès le matin. On se prépare à passer une journée dans la tente, mais le soleil finit par nous faire sortir en fin de matinée. On se lance vers Kala Patar. Certainement le sommet le plus facile de la région, l’heure tardive ne devrait pas poser problème, pour peu que la météo tienne bon. Une fois passé Gorak Shep, le dernier village de la vallée avant le camp de base de l’Everest, on attaque la montée. D’un coup, une énorme masse de nuages noirs arrive à toute allure dans notre direction depuis le col qui sépare le Lobuche du Chumbu et ne tarde pas à faire tomber ses premiers flocons.
Cela ne laisse pas franchement de place au doute, demi-tour sur Gorak Shep pour s’abriter dans une lodge et en profiter pour s’offrir… un Tibetan bread ! (L’excuse étant qu’on attende un peu ici en espérant que le ciel se dégage). Passé 14h, les chances d’éclaircies deviennent infimes et la tentation de prendre un deuxième Tibetan bread devient trop grande, donc on quitte le confort de la lodge pour retourner vers notre tente quelques kilomètres plus bas dans la vallée. Tant pis pour Kala Patar.
Le lendemain matin la météo est beaucoup plus engageante. On décide de partir pour le presque 6 000 sans nom au-dessus de notre camp. Il n’y a effectivement pas de chemin mais quelques cairns suggèrent un itinéraire. Cette fois ci ce sera un problème plus ou moins indépendant de la météo qui nous coûtera le sommet. Le petit coucou à hélices dont on se sert pour faire des vidéos aériennes sera victime d’un trou d’air et ira se crasher quelques dizaines de mètres en contrebas. Au dessus de 5 000 mètres les voyants sont souvent au rouge, mais cette fois ci pas de rattrapage possible…
Plusieurs facteurs rendront les recherches compliquées : bug de l’application de localisation, pas de contact visuel avec le drone au moment du crash, un terrain de gros blocs rocheux avec des centaines de trous profonds où le coucou aurait pu glisser… On passera près de trois heures à ratisser la zone dans tous les sens sans parvenir à mettre la main dessus. L’arrivée du mauvais temps nous forcera à l’abandonner là haut, et par la même de renoncer au sommet.
On redescend en direction de la tente, à la fois abattus par la perte matérielle et un peu honteux de laisser trainer la batterie quelque part au fond d’un trou. Après une dernière nuit dans notre camp maudit, on se réveille sous une petite pellicule de neige qui nous redonne la pêche. On redescend jusqu’au village de Lobuche où nous attend le Tibetan bread de la consolation (un des meilleurs des trois semaines au passage).
Lobuche - Chukung
Distance : 8 km
Dénivelé + 990 m
Dénivelé – 1 410 m
Pour monter au troisième col on traverse ensuite un mélange de moraine et de reste de glacier pour remonter de l’autre côté de la vallée en direction du Kongma La. Encore une fois, les nuages bourgeonnent en fin de matinée et on se fait attraper par la neige pour le passage du col. On visait un petit sommet au Sud du col, c’est raté pour aujourd’hui mais cette fois ci on ne va pas se laisser faire. Un petit lac offre un super spot de bivouac juste après le col. On y plante la tente en espérant un lendemain plus clément.
Le lendemain matin le temps n’est pas vraiment au beau fixe. Déjà au réveil le ciel est chargé. On essaye quand même de commencer la montée, mais on se fait engloutir par les nuages à mi course. Trois échecs coup sur coup, ça commence à bien faire. Cette fois ci on l’aura à l’usure. On redescend jusqu’à la tente mais on ne bouge pas le camp où on passera la journée entre siestes, thés et jeux de cartes. Comme si le ciel jouait la surenchère, il tombera un bon 5-10 cm de neige dans la journée. Finalement le soir venu, les nuages s’ouvrent sur un ciel d’un bleu profond.
Le lendemain on réitère la tentative, et cette fois c’est la bonne. Lassé par notre entêtement ou impressionné par notre persévérance, le ciel nous accorde un droit de passage. La montée hors sentier est plutôt simple, il faut mettre un peu les mains sur la dernière partie mais pas de quoi casser cinq pattes à un yak. En revanche, le vrai sommet est verrouillé par un passage technique sur une dalle très raide recouverte de neige, avec une exposition démente. On se contentera du faux sommet une vingtaine de mètres en dessous.
Il est 11 heures et les premiers nuages commencent à peine à se former, très timidement. On profite un maximum du soleil qui nous est offert avant de se résigner à descendre plier le camp. Le ciel lâchera quelques gouttes dans l’après-midi mais globalement la météo sera plutôt correcte avec nous cette journée là. On arrive en fin d’après-midi à Chukung, dans une épaisse brume.
Chukung - Jubing
Distance : 53 km
Dénivelé + 4 640 m
Dénivelé – 7 370 m
Aujourd’hui on pousse encore un peu notre chance, en essayant un dernier sommet avant de redescendre pour de bon. Départ à la frontale pour monter aux deux Chukung : Chukung Ri et Chukung Tse. On arrive au premier sommet alors que le soleil commence à réchauffer les faces Est de l’Ama Dablam. Pas un nuage en vue. On continue. Depuis le sommet du Chukung Ri, le Chukung Tse (grand frère de quelques centaines de mètres de plus) semble être à porté de main. Ce n’est pas tout à fait le cas…
Le terrain devient plus alpin, le chemin à peu près inexistant et une bonne longueur d’arête sépare les deux sommets. Il faut bien compter 3-4 heures pour l’aller-retour entre les deux sommets, mais ça en vaut la peine. La montée se fait juste sous l’immense face Nord des Nupse, un dédale de falaises, séracs et couloirs sur près de 3 000 mètres de hauteur qui semblent n’en plus finir. Ça fait tout drôle d’être encore 2 000 mètres sous cette arête alors qu’on est déjà presque à 6 000 …
Au sommet du Chukung Tse, un rocher un peu un peut perché marque le sommet, mais contrairement au petit frère, ni drapeau de prière, ni cairn. C’est maintenant corrigé. Un petit cairn de notre confection augmente l’altitude du sommet d’un petit mètre supplémentaire…
Les premiers nuages commencent à remonter de la vallée. On leur rend le sommet à contrecœur pour commencer la descente. Petit à petit, une mer de nuages se forme, ne laissant dépasser que le maître des lieux : l’Ama Dablam, peut être le plus beau sommet de tout le massif.
De retour à la guest-house où l’on avait laissé nos affaires, on plie bagage pour commencer le retour vers Phaplu (après un dernier Tibetan Bread, évidemment.)
Retour au bercail. Finit les cols et sommets, mais il faudra quelques jours de marche pour rejoindre le point de départ de la route pour Kathmandu. La saison touristique touche à sa fin. On croise de moins en moins de randonneurs et de plus en plus de mules qui montent ravitailler les villages de la vallée, à la fois pour que les locaux passent l’hiver et pour préparer la prochaine saison touristique. Une fois passé Lukla d’où la majorité des randonneurs et guides prennent l’avion pour Kathmandu, on sera les seuls touristes du coin.
Les caravanes sont de plus en plus fréquentes, et n’arrangent pas l’état des sentiers qui deviennent par endroits de véritables bourbiers. En revanche la mousson semble se retenir pour le moment et n’apporte rien de plus que des nuages dans l’après midi, nous laissant profiter des petits villages fleuris qui semblent maintenant abriter une vie locale dédiée à autre chose qu’au service des randonneurs. Au fond de la vallée, au village de Jubing on finira par faire nos petits joueurs et essayer de monter dans une Jeep en direction de Salleri. Elle est déjà pleine, mais il reste des places sur le toit…
Emerveillés par ce long périple, rincés par les 20 kilomètres de dénivelé dans les pattes, on se laissera bercer par le doux chaos qui règne sur le doit d’une petite Jeep transportant 12 personnes sur une piste rocailleuse à flanc de falaise, de nuit, sous la pluie.
De nouveau, on ressent cette sensation étrange qui suit souvent les séjours isolés en montagne pendant longtemps. Après avoir fait tant d’efforts pour s’isoler, le fait d’être de nouveau entouré après 4 semaines à deux rajoute une saveur particulière à l’euphorie de fin de rando et nous colle un sourire béat pendant les 4 heures de Jeep jusqu’à Salleri.
Infos Pratiques
Si vous avez déjà une expérience de grande randonnée, l’itinéraire est faisable sans guide.
Pour la version classique des 3 cols, il n’y a pas de difficulté autre que l’altitude et les dénivelés importants. Pour cette version il y a quelques passages exposés mais faciles, et quelques passages peu exposés ou il faudra mettre les mains. Hors saison l’isolement est aussi à prendre en compte.
Comme la majorité des treks au Népal, les deux saisons favorables sont avant ou après la mousson.
-Au printemps (avant la mousson) les températures sont plus douces et le risque de se faire coincer par la neige moins élevé, en revanche la météo est moins stable et se dégrade en Mai pour une arrivée de la mousson en Juin-Juillet.
-A l’automne la météo est réputée plus stable. Le ciel sera plus souvent (trop souvent ?) vide de nuages, les températures plus fraiches. Il faudra faire attention de ne pas se faire coincer par les premières neiges !
Deux options possibles :
1 – Par la route
Plusieurs points de départ sont possibles, il faut compter entre 8 et 12 heures de trajet depuis Kathmandu pour un prix entre 12 et 150€ suivant l’option choisie.
Le plus commun est de rejoindre Phaplu. La piste devrait être rallongée jusqu’à Lukla en 2022. D’ici là il est possible de continuer en Jeep sur la piste en chantier en fonction des conditions. 3 solutions existent pour venir par la route de Kathmandu
-Jeep « touristique » (150€ par Jeep)
-Jeep partagée (9 personnes + chauffeur, assez serré donc – 15€ la place)
-bus (12€ la place)
2 – Par les air
Il est possible d’atterrir directement à Lukla en moins d’une heure depuis Kathmandu, pour un prix entre 150 et 650€. En plus d’amener un trafic aérien insensé dans un lieu où il n’a pas sa place (1 décollage /atterrissage dans la vallée toutes les 5 minutes voir plus en pleine saison !), le risque d’annulation de vol est important (météo oblige).
Une grande quantité de lodges bordent l’itinéraire et permettent de faire l’itinéraire avec un sac léger. Même si vous avez votre tente, les lodges offrent de très bonnes solutions de repli en cas de mauvais temps ou d’envie de luxe. Le prix de la chambre double varie entre 300 et 800 roupies (2.5-7€). Parfois la nuitée est offerte si on commande deux repas. On peut y manger une cuisine Népalaise simple mais souvent très bonne entre 500 et 1000 roupies le repas (4-8€). On peut aussi y acheter des provisions. Ca se comprend tout à fait, mais tout coûte entre deux et quatre fois plus cher qu’à Kathmandu donc si vous avez un budget nourriture suffisant il est possible de faire l’itinéraire en tente sans grosse réserve de nourriture -grâce aux sherpas qui y laissent leur dos…-
La réglementation à ce sujet est assez vague. A l’entrée du parc vous trouverez un panneau indiquant les différents restrictions en vigueur. Le camping / bivouac n’y était pas mentionné en 2019. Certains locaux et sites internet avancent que le bivouac sauvage est interdit et qui faut poser la tente à côté des lodges l’autorisant (contre un prix proche de celui de la nuit en dur). En pratique, à condition de respecter quelques règles de bon sens, la tolérance semble être de mise et les spots hors de vue des chemins ne manquent pas…
Evidement, le zéro trace est la première règle à respecter (ce qui est loin d’être le cas dans les camps gérés par les agences de trek).
A l’heure où l’on écrit ces lignes, deux permis sont en vigueur, celui du Parc National de 3000 roupies (25€) et la taxe communautaire de 2000 roupies (16€). Tous les sommets de plus de 6000 mètres demandent un permis spécifique, dont le prix varie en fonction des sommets (de -assez cher- à -hors de prix-).
5 Comments
Magnifique article ! Merci beaucoup … Vous m’avez transporté quelques années en arrière …
Je ne me lasserai jamais de lire des récits de trek au Népal.
Que dire de vos photos : WAHOU !
Merci pour ton mot Vadrouille, (à moins que ce ne soit tambouille..?)
Content de t’avoir fait voyager !
Bonjour,
Un grand Merci pour ces images et félicitations pour ce magnifique parcours au cœur du Khumbu. J’ai suivi une partie de ce chemin en direction de GOKYO en 2017 et ça me rappelle beaucoup d’émotions, les temples, les points de vue sur les montagnes, les népalais et les Sherpas…
Un grand merci!
Bonjour David,
Merci pour ton mot. Génial si on a réussi à te remettre dans l’ambiance. Gokyo c’était quand même un moment fort des 4 semaines, t’as choisi un beau morceau 😉
Bonnes randos !
[…] les conditions de travail sont meilleures en Norvège, pour un salaire près de 10 fois supérieur. Comme souvent avec la question des sherpas, difficile de savoir quoi penser de tout ça… En revanche, il paraitrait logique de voir apparaitre une mention-hommage aux personnes ayant […]